Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
194
FRANC OU FRANQ ;

Je crois que tu n’es pas coupable ;
Mais si tu l’es, tu n’es qu’un homme détestable.

(Crébillon, Catilina, acte IV, scène ii.)

Mais vous me payerez ses funestes appas.
C’est vous qui leur gagnez sur moi la préférence.

(Idem, ibid., acte II, scène i.)

Seigneur, enfin la paix si longtemps attendue
M’est redonnée ici par le même héros
Dont la seule valeur nous causa tant de maux.

(Idem, Pyrrhus, acte V, scène iii.)

Autour du vase affreux par moi-même rempli
Du sang de Nonnius avec soin recueilli,
Au fond de ton palais j’ai rassemblé leur troupe.

(Idem, Catilina, acte IV, scène iii.)

Ces phrases obscures, ces termes impropres, ces fautes de syntaxe, ce langage inintelligible, ces pensées si fausses et si mal exprimées ; tant d’autres tirades où l’on ne parle que des dieux et des enfers, parce qu’on ne sait pas faire parler les hommes ; un style boursouflé et plat à la fois, hérissé d’épithètes inutiles, de maximes monstrueuses exprimées en vers dignes d’elles[1], c’est là ce qui a succédé au style de Racine ; et pour achever la décadence de la langue et du goût, ces pièces visigothes et vandales ont été suivies de pièces plus barbares encore.

La prose n’est pas moins tombée. On voit, dans des livres sérieux et faits pour instruire, une affectation qui indigne tout lecteur sensé.

« Il faut mettre sur le compte de l’amour-propre ce qu’on met sur le compte des vertus.

  1. Voici quelques-unes de ces maximes détestables qu’on ne doit jamais étaler sur le théâtre :

    Cependant, sans compter ce qu’on appelle crime....
    Et du joug des serments esclaves malheureux,
    Notre honneur dépendra d’un vain respect pour eux !
    Pour moi, que touche peu cet honneur chimérique,
    J’appelle à ma raison d’un joug si tyrannique.
    Me venger et régner, voilà mes souverains ;
    Tout le reste pour moi n’a que des titres vains...
    De froids remords voudraient en vain y mettre obstacle :
    Je ne consulte plus que ce superbe oracle.

    (Xerxès, acte I, scène i.)

    Quelles plates et extravagantes atrocités ! « appeler à sa raison d’un joug ; mes souverains sont me venger et régner ; de froids remords qui veulent mettre obstacle à ce superbe oracle ! » quelle foule de barbarismes et d’idées barbares ! (Note de Voltaire.)