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GÉNÉALOGIE.
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en citer la source. Voici ses propres termes, page 23 de la Certitude des preuves du christianisme : « Jésus est né d’une vierge par l’opération du Saint-Esprit ; Jésus lui-même nous l’a ainsi assuré plusieurs fois de sa propre bouche. Tel est le récit des apôtres. » Il est certain que ces paroles de Jésus ne se trouvent que dans le Toldos Jeschu, et la certitude de cette preuve de M. Bergier subsiste, quoique saint Matthieu[1] applique à Jésus ce passage d’Isaïe[2] : « Il ne disputera point, il ne criera point, et personne n’entendra sa voix dans les rues. »

Selon saint Jérôme[3] c’est aussi une ancienne tradition parmi les gymnosophistes de l’Inde que Buddas, auteur de leur dogme, naquit d’une vierge qui l’enfanta par le côté. C’est ainsi que naquirent Jules César, Scipion l’Africain, Manlius, Édouard VI, roi d’Angleterre, et d’autres, au moyen d’une opération que les chirurgiens nomment césarienne, parce qu’elle consiste à tirer un enfant de la matrice par une incision faite à l’abdomen de la mère. Simon[4] surnommé le Magicien, et Manès, prétendaient aussi tous les deux être nés d’une vierge. Mais cela signifiait seulement que leurs mères étaient vierges lorqu’elles les conçurent. Or, pour se convaincre combien sont incertaines les marques de la virginité, il ne faut que lire la glose du célèbre évêque du Puy-en-Velai, M. de Pompignan, sur ce passage des Proverbes[5] : « Trois choses me sont difficiles à comprendre, et la quatrième m’est entièrement inconnue : la voie de l’aigle dans l’air, la voie du serpent sur le rocher, la voie d’un navire au milieu de la mer, et la voie de l’homme dans sa jeunesse. » Pour traduire littéralement ces paroles, suivant ce prélat, chap. iii, seconde partie de l’Incrédulité convaincue par les prophéties, il aurait fallu dire : viam viri in virgine adolescentula, la voie de l’homme dans une jeune fille alma[6]. La traduction de notre Vulgate, dit-il, substitue un autre sens, exact et véritable en lui-même, mais moins conforme au texte original. Enfin il confirme sa curieuse interprétation par l’analogie de ce verset avec le suivant : « Telle est la voie de la femme adultère, qui après avoir mangé s’essuie la bouche, et dit : Je n’ai point fait de mal. »

Quoi qu’il en soit, la virginité de Marie n’était pas encore généralement reconnue au commencement du iiie siècle. Plusieurs

  1. Chapitre xii, v. 19. (Note de Voltaire.)
  2. Chapitre xlii, v. 2. (Id.)
  3. Livre I, contre Jovinien. (Id.)
  4. Récognitions, livre II, art. xiv. (Id.)
  5. Chap. xxx, v. 18. (Note de Voltaire.)
  6. La signification propre de ce mot est adolescente, en état de produire, nubile, féconde, etc. C’est l’épithète ordinaire de Cérès. (K.)