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HISTOIRE.

fleuve. Il avait fallu que ces peuples rassemblés eussent les instruments du labourage, ceux de l’architecture, une connaissance de l’arpentage, avec des lois et une police. Tout cela demande nécessairement un espace de temps prodigieux. Nous voyons, par les longs détails qui regardent tous les jours nos entreprises les plus nécessaires et les plus petites, combien il est difficile de faire de grandes choses, et qu’il faut non-seulement une opiniâtreté infatigable, mais plusieurs générations animées de cette opiniâtreté.

Cependant, que ce soit Menès, Thaut ou Chéops, ou Ramessès, qui aient élevé une ou deux de ces prodigieuses masses, nous n’en serons pas plus instruits de l’histoire de l’ancienne Égypte : la langue de ce peuple est perdue. Nous ne savons donc autre chose, sinon qu’avant les plus anciens historiens il y avait de quoi faire une histoire ancienne[1].

SECTION II[2].

Comme nous avons déjà vingt mille ouvrages, la plupart en plusieurs volumes, sur la seule histoire de France[3], et qu’un homme studieux qui vivrait cent ans n’aurait pas le temps de les lire, je crois qu’il est bon de savoir se borner. Nous sommes obligés de joindre à la connaissance de notre pays celle de l’histoire de nos voisins. Il nous est encore moins permis d’ignorer les grandes actions des Grecs et des Romains, et leurs lois, qui sont encore en grande partie les nôtres. Mais si à cette étude nous voulions ajouter celle d’une antiquité plus reculée, nous ressem-

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1770, Voltaire avait reproduit les chapitres v (sauf quelques mots), vi, vii, viii, ix, x et xi du Pyrrhonisme de l’histoire (voyez les Mélanges, année 1768) ; après quoi venait ce qui forme aujourd’hui la section iii de l’article Histoire. (B.) — Voyez ci-après, page 356.
  2. Imprimée en 1764, à la suite des Contes de Guillaume Vadé ; les trois premiers alinéas faisaient le commencement de l’article Histoire, dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771. (B.)
  3. Le P. Lelong, de l’Oratoire, avait donné une Bibliothèque historique de la France, 1719, un volume in-folio, contenant 17,487 articles. La nouvelle édition en cinq volumes in-folio, publiés de 1768 à 1778, et conséquemment depuis que Voltaire a écrit ce morceau, donne les titres de 48,223 ouvrages relatifs à l’Histoire de France, sans compter un volumineux supplément et des numéros doublés. Si l’on réfléchit que nécessairement plusieurs pièces ont échappé aux rédacteurs, que d’autres ont été omises volontairement ou forcément, qu’on n’y trouve rien de postérieur à 1774, que même les articles, depuis 1770, sont dans un nombre infiniment petit, que depuis lors les événements ont fait naître une immense quantité d’ouvrages ou opuscules, on doit s’en tenir plus que jamais à la remarque de Voltaire. (B.)