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ÉTATS, GOUVERNEMENTS.

sous le nom du cardinal de Richelieu, et fit ce Testament politique[1], dans lequel il veut enrôler la noblesse dans la cavalerie pour trois ans, faire payer la taille aux chambres des comptes et aux parlements, priver le roi du produit de la gabelle ; il assure surtout que pour entrer en campagne avec cinquante mille hommes, il faut par économie en lever cent mille. Il affirme que « la Provence seule a beaucoup plus de beaux ports de mer que l’Espagne et l’Italie ensemble ».

L’abbé de Bourzeis n’avait pas voyagé. Au reste, son ouvrage fourmille d’anachronismes et d’erreurs ; il fait signer le cardinal de Richelieu d’une manière dont il ne signa jamais, ainsi qu’il le fait parler comme il n’a jamais parlé. Au surplus, il emploie un chapitre entier à dire que « la raison doit être la règle d’un État », et à tâcher de prouver cette découverte. Cet ouvrage de ténèbres, ce bâtard de l’abbé de Bourzeis a passé longtemps pour le fils légitime du cardinal de Richelieu ; et tous les académiciens, dans leurs discours de réception, ne manquaient pas de louer démesurément ce chef-d’œuvre de politique.

Le sieur Gatien de Courtilz, voyant le succès du Testament politique de Richelieu, fit imprimer à la Haye le Testament de Colbert[2], avec une belle lettre de M. Colbert au roi. Il est clair que si ce ministre avait fait un pareil testament, il eût fallu l’interdire ; cependant ce livre a été cité par quelques auteurs.

Un autre gredin, dont on ignore le nom, ne manqua pas de donner le Testament de Louvois[3], plus mauvais encore, s’il se peut, que celui de Colbert ; un abbé de Chevremont fit tester aussi Charles, duc de Lorraine[4]. Nous avons eu les Testaments politiques du cardinal Alberoni[5], du maréchal de Belle-IsIe[6], et enfin celui de Mandrin[7].

M. de Bois-Guillebert, auteur du Détail de la France, imprimé en 1695, donna le projet inexécutable de la dîme royale sous le nom du maréchal de Vauban.

Un fou nommé La Jonchère, qui n’avait pas de pain, fit, en

  1. Voyez la note, tome XVII, page 211.
  2. 1693, in-12.
  3. Le Testament de Louvois est aussi de Gatien de Courtilz, 1695, in-12.
  4. Le Testament politique de Charles V, duc de Lorraine et de Bar, en faveur du roi de Hongrie, 1696, in-12, a pour auteur Henri de Straatman, conseiller aulique de l’empereur. L’abbé de Chevremont en fut éditeur.
  5. Le Testament du cardinal Alberoni est de Durey de Morsan ; voyez dans les Mélanges, année 1753, l’Examen qu’en fit Voltaire.
  6. Le Testament du maréchal de Belle-Isle, 1761, in-12, est de Chevrier.
  7. Le Testament de Mandrin, 1755, in-12, a pour auteur le chevalier de Goudar.