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IDOLE, IDOLÂTRE, IDOLÂTRIE.

Les dieux ne sont jamais dans une arche enfermés ;
Ils habitent nos cœurs.

Dans Lucain (lib. IX, v. 578) :

Estne Dei sedes, nisi terra et pontus et aer ?

L’univers est de Dieu la demeure et l’empire.

On ferait un volume de tous les passages qui déposent que des images n’étaient que des images.

Il n’y a que le cas où les statues rendaient des oracles qui ait pu faire penser que ces statues avaient en elles quelque chose de divin. Mais certainement l’opinion régnante était que les dieux avaient choisi certains autels, certains simulacres pour y venir résider quelquefois, pour y donner audience aux hommes, pour leur répondre. On ne voit dans Homère et dans les chœurs des tragédies grecques que des prières à Apollon, qui rend ses oracles sur les montagnes, en tel temple, en telle ville ; il n’y a pas dans toute l’antiquité la moindre trace d’une prière adressée à une statue ; si on croyait que l’esprit divin préférait quelques temples, quelques images, comme on croyait aussi qu’il préférait quelques hommes, la chose était certainement possible : ce n’était qu’une erreur de fait. Combien avons-nous d’images miraculeuses ! Les anciens se vantaient d’avoir ce que nous possédons en effet ; et si nous ne sommes point idolâtres, de quel droit dirons-nous qu’ils l’ont été ?

Ceux qui professaient la magie, qui la croyaient une science, ou qui feignaient de le croire, prétendaient avoir le secret de faire descendre les dieux dans les statues ; non pas les grands dieux, mais les dieux secondaires, les génies. C’est ce que Mercure Trismégiste appelait faire des dieux ; et c’est ce que saint Augustin réfute dans sa Cité de Dieu. Mais cela même montre évidemment que les simulacres n’avaient rien en eux de divin, puisqu’il fallait qu’un magicien les animât ; et il me semble qu’il arrivait bien rarement qu’un magicien fût assez habile pour donner une âme à une statue, pour la faire parler.

En un mot, les images des dieux n’étaient point des dieux, Jupiter, et non pas son image, lançait le tonnerre ; ce n’était pas la statue de Neptune qui soulevait les mers, ni celle d’Apollon qui donnait la lumière. Les Grecs et les Romains étaient des Gentils, des polythéistes, et n’étaient point des idolâtres.

Nous leur prodiguâmes cette injure quand nous n’avions ni