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IMPUISSANCE.

m’aimez, vous devez me faire les caresses dont j’ai besoin pour perpétuer ma race ; si vous ne m’aimez pas, pourquoi m’avez-vous épousé ?

Ceux qu’on appelait les maléficiés étaient souvent réputés ensorcelés. Ces charmes étaient fort anciens. Il y en avait pour ôter aux hommes leur virilité ; il en était de contraires pour la leur rendre. Dans Pétrone, Chrysis croit que Polyenos, qui n’a pu jouir de Circé, a succombé sous les enchantements des magiciennes appelées Manicæ et une vieille veut le guérir par d’autres sortiléges.

Cette illusion se perpétua longtemps parmi nous ; on exorcisa au lieu de désenchanter ; et quand l’exorcisme ne réussissait pas, on démariait.

Il s’éleva une grande question dans le droit canon sur les maléficiés. Un homme que les sortiléges empêchaient de consommer le mariage avec sa femme en épousait une autre et devenait père. Pouvait-il, s’il perdait cette seconde femme, répouser la première ? La négative l’emporta suivant tous les grands canonistes, Alexandre de Nevo, André Albéric, Turrecremata, Soto, Ricard, Henriquez, Piozella, et cinquante autres.

On admire avec quelle sagacité les canonistes, et surtout des religieux de mœurs irréprochables, ont fouillé dans les mystères de la jouissance. Il n’y a point de singularité qu’ils n’aient devinée. Ils ont discuté tous les cas où un homme pouvait être impuissant dans une situation, et opérer dans une autre. Ils ont recherché tout ce que l’imagination pouvait inventer pour favoriser la nature ; et, dans l’intention d’éclaircir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, ils ont révélé de bonne foi ce qui devait être caché dans le secret des nuits. On a pu dire d’eux : Nox nocti indicat scientiam[1].

Sanchez surtout a recueilli et mis au grand jour tous ces cas de conscience, que la femme la plus hardie ne confierait qu’en rougissant à la matrone la plus discrète. Il recherche attentivement :

« Utrum liceat extra vas naturale semen emittere. — De altera fœmina cogitare in coitu cum sua uxore. — Seminare consulto separatim. — Congredi cum uxore sine spe seminandi. — Impotentiæ tactibus et illecebris opitulari. — Se retrahere quando mulier seminavit. — Virgam alibi intromittere dum in vase debito semen effundat, etc. »

  1. Psalm. xviii, 3.