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IMPUISSANCE.

impuissant[1] ne peut en conscience détruire ce sort, ni même prier le magicien de le détruire. Il fallait absolument, du temps des sorciers, exorciser. Ce sont des chirurgiens qui, ayant été reçus à Saint-Côme, ont le privilége exclusif de vous mettre un emplâtre, et vous déclarent que vous mourrez si vous êtes guéri par la main qui vous a blessé. Il eût mieux valu d’abord se bien assurer si un sorcier peut ôter et rendre la virilité à un homme. On pouvait encore faire une autre observation. Il s’est trouvé beaucoup d’imaginations faibles qui redoutaient plus un sorcier qu’ils n’espéraient en un exorciste. Le sorcier leur avait noué l’aiguillette, et l’eau bénite ne la dénouait pas. Le diable en imposait plus que l’exorcisme ne rassurait.

Dans les cas d’impuissance dont le diable ne se mêlait pas, les juges ecclésiastiques n’étaient pas moins embarrassés. Nous avons dans les Décrétales le titre fameux de frigidis et maleficiatis, qui est fort curieux, mais qui n’éclaircit pas tout.

Le premier cas discuté par Brocardié ne laisse aucune difficulté ; les deux parties conviennent qu’il y en a une impuissante : le divorce est prononcé.

Le pape Alexandre III décide une question plus délicate[2]. Une femme mariée tombe malade, « Instrumentum ejus impedi tum est. » Sa maladie est naturelle, les médecins ne peuvent la soulager : « Nous donnons à son mari la liberté d’en prendre une autre. » Cette décrétale paraît d’un juge plus occupé de la nécessité de la population que de l’indissolubilité du sacrement. Comment cette loi papale est-elle si peu connue ? comment tous les maris ne la savent-ils point par cœur ?

La décrétale d’Innocent III n’ordonne des visites de matrone qu’à l’égard de la femme que son mari a déclaré en justice être trop étroite pour le recevoir. C’est peut-être pour cette raison que la loi n’est pas en vigueur.

Honorius III ordonne qu’une femme qui se plaindra de l’impuissance du mari demeurera huit ans avec lui jusqu’à divorce.

On n’y fit pas tant de façon pour déclarer le roi de Castille Henri IV impuissant, dans le temps qu’il était entouré de maîtresses, et qu’il avait de sa femme une fille héritière de son royaume. Mais ce fut l’archevêque de Tolède qui prononça cet arrêt : le pape ne s’en mêla pas.

On ne traita pas moins mal Alfonse, roi de Portugal, au

  1. Voyez Pontas, Empêchement de l’impuissance. (Note de Voltaire.)
  2. Décrétales, livre IV, titre xv. (Id.)