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EUCHARISTIE.

inconnu, dans une petite feuille qui peut aisément se perdre, et qu’il est peut-être bon de conserver :

. . . . . . Foliis tantum ne carmina manda.

(Virg., Æn., VI, 74.)

S’il y a dans cet écrit quelques propositions téméraires, la petite société qui travaille à la rédaction du recueil les désavoue de tout son cœur[1].


EUCHARISTIE[2].


Dans cette question délicate, nous ne parlerons point en théologiens. Soumis de cœur et d’esprit à la religion dans laquelle nous sommes nés, aux lois sous lesquelles nous vivons, nous n’agiterons point la controverse : elle est trop ennemie de toutes les religions, qu’elle se vante de soutenir ; de toutes les lois, qu’elle feint d’expliquer ; et surtout de la concorde, qu’elle a bannie de la terre dans tous les temps.

Une moitié de l’Europe anathématise l’autre au sujet de l’eucharistie, et le sang a coulé des rivages de la mer Baltique au pied des Pyrénées, pendant près de deux cents ans, pour un mot qui signifie douce charité.

Vingt nations, dans cette partie du monde, ont en horreur le système de la transsubstantiation catholique. Elles crient que ce dogme est le dernier effort de la folie humaine. Elles attestent ce fameux passage de Cicéron, qui dit[3] que les hommes ayant épuisé toutes les épouvantables démences dont ils sont capables, ne se sont point encore avisés de manger le dieu qu’ils adorent. Elles disent que presque toutes les opinions populaires étant fondées sur des équivoques, sur l’abus des mots, les catholiques romains n’ont fondé leur système de l’eucharistie et de la transsubstantiation que sur une équivoque ; qu’ils ont pris au propre ce qui n’a pu être dit qu’au figuré, et que la terre, depuis seize cents ans, a été ensanglantée pour des logomachies, pour des malentendus.

  1. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, on rapportait ici tout le premier couplet du dialogue intitulé les Adorateurs (voyez les Mélanges, année 1760). (B.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, cinquième partie, 1771. (B.)
  3. Voyez la Divination de Cicéron. (Note de Voltaire.) — Voyez, tome XI, la note de la page 67.