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JOB.

d’avoir trois amis pour n’en pas recevoir une goutte de bouillon quand on est malade. Je m’imagine que quand Dieu t’eut rendu tes richesses et ta santé, ces éloquents personnages n’osèrent pas se présenter devant toi : aussi les amis de Job ont passé en proverbe.

Dieu fut très-mécontent d’eux, et leur dit tout net au chapitre xLii, qu’ils sont ennuyeux et imprudents ; et il les condamne à une amende de sept taureaux et de sept béliers pour avoir dit des sottises. Je les aurais condamnés pour n’avoir point secouru leur ami.

Je te prie de me dire s’il est vrai que tu vécus cent quarante ans après cette aventure. J’aime à voir que les honnêtes gens vivent longtemps ; mais il faut que les hommes d’aujourd’hui soient de grands fripons, tant leur vie est courte[1] !

Au reste, le livre de Job est un des plus précieux de toute l’antiquité. Il est évident que ce livre est d’un Arabe qui vivait avant le temps où nous plaçons Moïse. Il est dit qu’Éliphaz, l’un des interlocuteurs, est de Théman ; c’est une ancienne ville d’Arabie. Baldad était de Suez, autre ville d’Arabie. Sophar était de Naamath, contrée d’Arabie encore plus orientale.

Mais ce qui est bien plus remarquable, et ce qui démontre que cette fable ne peut être d’un Juif, c’est qu’il y est parlé des trois constellations que nous nommons aujourd’hui l’Ourse, l’Orion, et les Hyades. Les Hébreux n’ont jamais eu la moindre connaissance de l’astronomie, ils n’avaient pas même de mot pour exprimer cette science ; tout ce qui regarde les arts de l’esprit leur était inconnu, jusqu’au terme de géométrie.

Les Arabes, au contraire, habitant sous des tentes, étant continuellement à portée d’observer les astres, furent peut-être les premiers qui réglèrent leurs années par l’inspection du ciel.

Une observation plus importante, c’est qu’il n’est parlé que d’un seul Dieu dans ce livre. C’est une erreur absurde d’avoir imaginé que les Juifs fussent les seuls qui reconnussent un Dieu unique : c’était la doctrine de presque tout l’Orient, et les Juifs en cela ne furent que des plagiaires, comme ils le furent en tout.

Dieu, dans le trente-huitième chapitre, parle lui-même à Job, du milieu d’un tourbillon ; et c’est ce qui a été imité depuis dans la Genèse. On ne peut trop répéter que les livres juifs sont très-nouveaux. L’ignorance et le fanatisme crient que le Pentateuque est le plus ancien livre du monde. Il est évident que ceux de Sanchoniathon, ceux de Thaut, antérieurs de huit cents ans à

  1. Fin de l’article en 1767 ; le reste fut ajouté en 1769. (B.)