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JUIFS.

Normandie ou le Milanais, cela ne m’importe : je m’en tiens au texte, qui dit que la part du Seigneur fut de trente-deux filles. Confondez tant qu’il vous plaira le Madian près de la mer Rouge avec le Madian près de Sodome, je vous demanderai toujours compte de mes trente-deux pucelles.

Votre secrétaire a-t-il été chargé par vous de supputer combien de bœufs et de filles peut nourrir le beau pays de Madian ?

J’habite un canton, messieurs, qui n’est pas la terre promise ; mais nous avons un lac beaucoup plus beau que celui de Sodome. Notre sol est d’une bonté très-médiocre. Votre secrétaire me dit qu’un arpent de Madian peut nourrir trois bœufs ; je vous assure, messieurs, que chez moi un arpent ne nourrit qu’un bœuf. Si votre secrétaire veut tripler le revenu de mes terres, je lui donnerai de bons gages, et je ne le payerai pas en rescriptions sur les receveurs généraux. Il ne trouvera pas dans tout le pays de Madian une meilleure condition que chez moi. Mais malheureusement cet homme ne s’entend pas mieux en bœufs qu’en veaux d’or.

À regard des trente-deux mille pucelages, je lui en souhaite. Notre petit pays est de l’étendue de Madian ; il contient environ quatre mille ivrognes, une douzaine de procureurs, deux hommes d’esprit, et quatre mille personnes du beau sexe, qui ne sont pas toutes jolies. Tout cela monte à environ huit mille personnes, supposé que le greffier qui m’a produit ce compte n’ait pas exagéré de moitié, selon la coutume. Vos prêtres et les nôtres auraient peine à trouver dans mon pays trente-deux mille pucelles pour leur usage. C’est ce qui me donne de grands scrupules sur les dénombrements du peuple romain, du temps que son empire s’étendait à quatre lieues du mont Tarpéien, et que les Romains avaient une poignée de foin au haut d’une perche pour enseigne. Peut-être ne savez-vous pas que les Romains passèrent cinq cents années à piller leurs voisins avant que d’avoir aucun historien, et que leurs dénombrements sont fort suspects ainsi que leurs miracles.

À l’égard des soixante et un mille ânes qui furent le prix de vos conquêtes en Madian, c’est assez parler d’ânes.

DES ENFANTS JUIFS IMMOLÉS PAR LEURS MÈRES.

Je vous dis que vos pères ont immolé leurs enfants, et j’appelle en témoignage vos prophètes. Isaïe leur reproche ce crime de can-