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LOIS.

La torture fut abolie, parce que c’est punir avant de connaître, et qu’il est absurde de punir pour connaître ; parce que les Romains ne mettaient à la torture que les esclaves ; parce que la torture est le moyen de sauver le coupable et de perdre l’innocent.

On en était là quand Moustapha III, fils de Mahmoud, força l’impératrice d’interrompre son code pour le battre.

SECTION II[1].

J’ai tenté de découvrir quelque rayon de lumière dans les temps mythologiques de la Chine qui précèdent Fohi, et j’ai tenté en vain.

Mais en m’en tenant à Fohi, qui vivait environ trois mille ans avant l’ère nouvelle et vulgaire de notre Occident septentrional, je vois déjà des lois douces et sages établies par un roi bienfaisant. Les anciens livres des cinq Kings, consacrés par le respect de tant de siècles, nous parlent de ses institutions d’agriculture, de l’économie pastorale, de l’économie domestique, de l’astronomie simple qui règle les saisons, de la musique qui, par des modulations différentes, appelle les hommes à leurs fonctions diverses. Ce Fohi vivait incontestablement il y a cinq mille ans. Jugez de quelle antiquité devait être un peuple immense qu’un empereur instruisait sur tout ce qui pouvait faire son bonheur. Je ne vois dans ces lois rien que de doux, d’utile et d’agréable.

On me montre ensuite le code d’un petit peuple qui arrive, deux mille ans après, d’un désert affreux sur les bords du Jourdain, dans un pays serré et hérissé de montagnes. Ses lois sont parvenues jusqu’à nous : on nous les donne tous les jours comme le modèle de la sagesse. En voici quelques-unes :

« De ne jamais manger d’onocrotal, ni de charadre, ni de griffon, ni d’ixion, ni d’anguille, ni de lièvre parce que le lièvre rumine et qu’il n’a pas le pied fendu.

« De ne point coucher avec sa femme quand elle a ses règles, sous peine d’être mis à mort l’un et l’autre.

« D’exterminer sans miséricorde tous les pauvres habitants du pays de Chanaan, qui ne les connaissaient pas ; d’égorger tout, de

  1. Dans l’édition de 1774, ou in-4o des Questions sur l’Encyclopédie, l’article Lois avait quatre sections : la première était celle qui précède ; la deuxième était intitulée Lois criminelles (voyez ci-après, page 626) ; la troisième était le morceau sur l’Esprit des lois (tome XX, page 1) ; la quatrième, imprimée alors pour la première fois, était ce qui forme aujourd’hui la section ii. (B.)