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ACTE QUATRIÈME.




Scène I.

ŒDIPE, JOCASTE.
Œdipe.

Non, quoi que vous disiez, mon âme inquiétée
De soupçons importuns n’est pas moins agitée.
Le grand-prêtre me gêne, et, prêt à l’excuser,
Je commence en secret moi-même à m’accuser.
Sur tout ce qu’il m’a dit, plein d’une horreur extrême,
Je me suis en secret interrogé moi-même ;
Et mille événements de mon âme effacés
Se sont offerts en foule à mes esprits glacés.
Le passé m’interdit, et le présent m’accable ;
Je lis dans l’avenir un sort épouvantable :
Et le crime partout semble suivre mes pas.

Jocaste.

Eh quoi ! Votre vertu ne vous rassure pas !
N’êtes-vous pas enfin sûr de votre innocence ?

Œdipe.

On est plus criminel quelquefois qu’on ne pense.

Jocaste.

Ah ! D’un prêtre indiscret dédaignant les fureurs,
Cessez de l’excuser par ces lâches terreurs.

Œdipe.

Au nom du grand Laïus et du courroux céleste,
Quand Laïus entreprit ce voyage funeste,
Avait-il près de lui des gardes, des soldats ?

  1. Les acteurs, et surtout Quinault-Dufresne, ne voulaient pas du tout de ce quatrième acte, parce que, appartenant à Sophocle, il devait être insipide. La scène de la double confidence entre Œdipe et Jocaste fut pourtant la plus applaudie. (G. A.)