Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
x
INTRODUCTION.


traduite en anglais et représentée sur le théâtre de Londres concurremment avec Othello. Les Anglais eux-mêmes ont donné la préférence à Zaïre. Enfin il a imité la Mérope du marquis de Maffei, et a également triomphé de ce poëte célèbre.

« La plupart des dénoûments de Voltaire sont en action, et c’est en cela qu’ils sont préférables à ceux de ses rivaux ; car la tragédie est faite pour les yeux comme pour les oreilles. Les récits, ou ce qui revient au même, les dénoûments de Racine sont pour la plupart languissants, et la flamme du génie et des mouvements impétueux animent tous ceux de Voltaire. Dans Racine, c’est un éclair qui ne fait que passer ; dans Voltaire, c’est la foudre qui tombe et qui met tout en feu…

« On ne finirait pas, si l’on voulait citer tous les mots sublimes équivalant au qu’il mourût ! qui sont dans les tragédies de Voltaire. Il a popularisé la morale, puisque ses belles sentences sortent à chaque instant de la bouche du peuple :

Qui sert bien son pays n’a pas besoin d’aïeux, etc.

« Le théâtre de Voltaire, toutes ses pièces comprises, est à nos yeux le plus beau, le plus moral, le plus intéressant, et surtout le plus varié qu’il y ait jamais eu chez aucune nation du monde. »

Voilà qui n’est pas admirer à demi. Après tout, l’auteur ne faisait que préciser et résumer les conclusions du Cours de littérature de Laharpe. Le critique Geoffroy avait pris le parti contraire, et déclaré à la gloire tragique de Voltaire une guerre acharnée. Cette guerre littéraire fit presque autant de bruit que les grandes campagnes napoléoniennes qui marquèrent les premières années de ce siècle.


Les plus enthousiastes ont toujours abandonné à l’ennemi, presque sans combattre, les comédies de Voltaire. Laharpe n’a guère défendu que Nanine, qu’il proclame un petit chef-d’œuvre. L’admirateur que nous venons de citer fait encore appel aux connaisseurs en faveur de l’Enfant prodigue, de l’Écossaise et de la scène principale du Droit du seigneur.

On peut s’étonner que Voltaire, qui a tant d’esprit, tant de verve satirique, qui a le trait si aiguisé, l’ironie si mordante, n’ait pas plus brillamment réussi dans la comédie. Il y a là quelque chose de singulier, et presque d’incompréhensible à première vue. Il faut bien se rendre compte, pour l’expliquer, des conditions essentielles à l’art de la comédie, plus spécial encore que l’art de la tragédie. M. Villemain a dit le mot de l’énigme : « Voltaire n’a été bon plaisant que dans son propre rôle. » C’est-à-dire qu’il n’a pas su sortir en quelque sorte de lui-même pour entrer dans la peau des personnages qu’il voulait peindre, ni adopter leur manière de voir, de sentir, de juger et de parler. Il n’avait pas ces mille âmes dont parle Shakespeare.

Ses comédies, celles surtout qu’il a composées sans apprêt pour divertir ses hôtes, n’en sont pas moins fort amusantes, et elles réservent, aux curieux qui ne les connaissent pas et qui les liront, d’assez piquantes surprises.