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164 PRÉFACE I)K MARIANNE.

J’aurais pu ne pas me rendre sur ce dernier article, et j’avoue (lue c’est contre mon goût que j’ai mis la mort de Mariamne en récit au lieu de la mettre en action ; mais je n’ai voulu combattre en rien le goût du public : c’est pour lui et non pour moi que j’écris ; ce sont ses sentiments et non les miens que je dois suivre.

Cette docilité raisonnable, ces elForts que j’ai faits pour rendre intéressant un sujet qui avait paru si ingrat, m’ont tenu lieu du mérite qui m’a manqué, et ont eniin trouvé grâce devant des juges prévenus contre la pièce. Je ne pense pas que ma tragédie mérite son succès, comme elle avait mérité sa cbute. Je ne donne même cette édition qu’en tremblant ^ Tant d’ouvrages (juc j’ai vus applaudis au tliéàtre, et méprisés à la lecture, me font craindre pour le mien le même sort, l ne ou deux situations, l’art des acteurs, la docilité que j’ai fait paraître, ont pu m’attirer des suf- frages aux représentations ; mais il faut un autre mérite pour sou- tenir le grand jour de l’impression. C’est peu d’une conduite régu-

la fèto dos fiois’. La pièce fut interrompue ; l’on n’entendit point une scène très- pathéliquo entre Hérode et Marianine mourante ; du moins c’est le jugement que nous en avons entendu porter par ceux qui avaient entendu cette scène avant la représentation.

M. de Voltaire a changé, en 1702, le personnage de Varus, parce que sa défaite et sa mort on Germanie sont trop connus pour que l’on puisse supposer, même dans la tragédie, qu’il ait été tué en Judée ; parce qu’un préteur romain n’aurait pas excité une sédition dans Jérusalem ; il eût défendu à Hérode, au nom de (lésar, d’attenter à la vie de sa femme, et Hérode eût obéi ; parce qu’un liomain amoureux d’une reine ne peut intéresser, à moins que le sacrifice de sa passion ne soit, comme dans Bérénice, le sujet de la pièce ; enfin parce qu’il fallait ou avilir Hérode devant Varus, ou s’écarter des mœurs connues de ce siècle. Personne n’ignore combien les rois alliés, ou plutôt sujets de Home, étaient petits auprès des généraux romains envoyés dans les provinces.

M. de Voltaire avait projeté une édition corrigée de ses ouvrages dramatiques, et il voulait distinguer les pièces qu’il regardait comme propres au théâtre de celles qu’il ne croyait faites que pour être lues ; mais il n’appartenait qu’à lui de faire ce choix.

Voici la note qu’il avait placée en tête de Marianine :

« Les gens de lettres qui ont présidé à cette édition ont cru devoir rejuter cette tragédie parmi les pièces de l’auteur qui ne sont pas représentées sur le théâtre de Paris, et qui ne sont pour la plupart que des pièces de société. Mariamne fut composée dans le temps de la nouveauté û’OEdipe : il ne l’a Jamais regardée que comme une déclamation. » (K.)

  • Ce ne fut pas la veille des Rois, mais le 6 mars 1~2-1 que Mtmamne fut représentée. Cette

ilate du 6 mars est on tête niùme de plusieurs éditions de la pièce, et notamment dans l’édi- tion de Kelil. I. ’anecdote qui occasionna sa cluile n’en est pas moins vraie. (U.)

i. Dans l’édition de 1738, le début de cette préface avait été supprimé, et ell commençait ainsi : « Je ne donne cette édition qu’en tremblant, etc. m (B.)