Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/197

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AMMON.

Salome est outragée ; il faut tout craindre d'elle.
La jalousie éclaire, et l'amour se décèle.

SOHÊME.

Non, d'un coupable amour je n'ai point les erreurs ;
La secte dont je suis forme en nous d'autres moeurs :
Ces durs Esséniens, stoïques de Judée,
Ont eu de la morale une plus noble idée.
Nos maîtres, les Romains, vainqueurs des nations,
Commandent à la terre, et nous aux passions.
Je n'ai point, grâce au ciel, à rougir de moi-même.
Le sang unit de près Mariamne et Sohême ;
Je la voyais gémir sous un affreux pouvoir,
J'ai voulu la servir ; j'ai rempli mon devoir.

AMMON.

Je connais votre coeur et juste et magnanime ;
Il se plaît à venger la vertu qu'on opprime
Puissiez-vous écouter, dans cette affreuse cour,
Votre noble pitié plutôt que votre amour !

SOHÊME.

Ah ! faut-il donc l'aimer pour prendre sa défense ?
Qui n'aurait, comme moi, chéri son innocence ?
Quel coeur indifférent n'irait à son secours ?
Et qui, pour la sauver, n'eut prodigué ses jours ?
Ami, mon coeur est pur, et tu connais mon zèle ;
Je n'habitais ces lieux que pour veiller sur elle.
Quand Hérode partit incertain de son sort,
Quand il chercha dans Rome ou le sceptre ou la mort,
Plein de sa passion forcenée et jalouse,
Il tremblait qu'après lui sa malheureuse épouse,
Du trône descendue, esclave des Romains,
Ne fût abandonnée à de moins dignes mains.
Il voulut qu'une tombe, à tous deux préparée,
Enfermât avec lui cette épouse adorée.
Phérore fut chargé du ministère affreux
D'immoler cet objet de ses horribles feux.
Phérore m'instruisit de ces ordres coupables :
J'ai veillé sur des jours si chers, si déplorables ;
Toujours armé, toujours prompt à la protéger,
Et surtout à ses yeux dérobant son danger.
J'ai voulu la servir sans lui causer d'alarmes ;
Ses malheurs me touchaient encor plus que ses charmes.