Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/202

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Couronné, tout-puissant, et digne enfin de vous,
Ses triomphes passés, ceux qu'il prépare encore,
Ce titre heureux de Grand dont l'univers l'honore,
Les droits du sénat même à ses soins confiés,
Sont autant de présents qu'il va mettre à vos pieds.
Possédez désormais son âme et son empire,
C'est ce qu'à vos vertus mon amitié désire ;
Et je vais par mes soins serrer l'heureux lien
Qui doit joindre à jamais votre coeur et le sien.

MARIAMNE.

Je ne prétends de vous ni n'attends ce service :
Je vous connais, madame, et je vous rends justice ;
Je sais par quels complots, je sais par quels détours
Votre haine impuissante a poursuivi mes jours.
Jugeant de moi par vous, vous me craignez peut-être ;
Mais vous deviez du moins apprendre à me connaître.
Ne me redoutez point ; je sais également
Dédaigner votre crime et votre châtiment :
J'ai vu tous vos desseins, et je vous les pardonne ;
C'est à vos seuls remords que je vous abandonne,
345 Si toutefois, après de si lâches efforts,
Un coeur comme le vôtre écoute des remords.

SALOME.

C'est porter un peu loin votre injuste colère :
Ma conduite, mes soins, et l'aveu de mon frère,
Peut-être suffiront pour me justifier.

MARIAMNE.

Je vous l'ai déjà dit, je veux tout oublier :
Dans l'état où je suis, c'est assez pour ma gloire ;
Je puis vous pardonner, mais je ne puis vous croire[1].

MAZAEL.

J'ose ici, grande reine, attester l'Éternel
Que mes soins à regret...

MARIAMNE.

Arrêtez, Mazaël ;
Vos excuses pour moi sont un nouvel outrage :
Obéissez au roi, voilà votre partage :
À mes tyrans vendu, servez bien leur courroux ;
Je ne m'abaisse pas à me plaindre de vous.

  1. C’est ce que dit Louis XIII à Anne d’Autriche, qui voulait se justifier d’avoir
    trempé dans la conspiration de Chalais.