Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/205

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Bannissez toutefois ces alarmes secrètes ;
Ouvrez les yeux, madame, et voyez où vous êtes :
C'est là que, répandu par les mains d'un époux,
Le sang de votre père a rejailli sur vous :
Votre frère en ces lieux a vu trancher sa vie ;
En vain de son trépas le roi se justifie,
En vain César trompé l'en absout aujourd'hui ;
L'Orient révolté n'en accuse que lui.
Regardez ; consultez les pleurs de votre mère,
L'affront fait à vos fils, le sang de votre père,
La cruauté du roi, la haine de sa soeur,
Et (ce que je ne puis prononcer sans horreur,
Mais dont votre vertu n'est point épouvantée)
La mort plus d'une fois à vos yeux présentée.
Enfin, si tant de maux ne vous étonnent pas,
Si d'un front assuré vous marchez au trépas,
Du moins de vos enfants embrassez la défense.
Le roi leur a du trône arraché l'espérance ;
Et vous connaissez trop ces oracles affreux
Qui depuis si longtemps vous font trembler pour eux.
Le ciel vous a prédit qu'une main étrangère
Devait un jour unir vos fils à votre père.
Un Arabe implacable a déjà, sans pitié,
De cet oracle obscur accompli la moitié :
Madame, après l'horreur d'un essai si funeste,
Sa cruauté, sans doute, accomplirait le reste ;
Dans ses emportements rien n'est sacré pour lui.
Eh ! qui vous répondra que lui-même aujourd'hui
Ne vienne exécuter sa sanglante menace,
Et des Asmonéens anéantir la race ?
Il est temps désormais de prévenir ses coups ;
Il est temps d'épargner un meurtre à votre époux,
Et d'éloigner du moins de ces tendres victimes
Le fer de vos tyrans, et l'exemple des crimes.
Nourri dans ce palais, près des rois vos aïeux,
Je suis prêt à vous suivre en tous temps, en tous lieux.
Partez, rompez vos fers ; allez, dans Rome même,
Implorer du sénat la justice suprême,
Remettez de vos fils la fortune en sa main,
Et les faire adopter par le peuple romain ;
Qu'une vertu si pure aille étonner Auguste.
Si l'on vante à bon droit son règne heureux et juste,