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ACTE V


Scène I.

Mariamne, Élise, Gardes.
MARIAMNE.

Éloignez-vous, soldats ; daignez laisser du moins
Votre reine un moment respirer sans témoins.
Les gardes se retirent au coin du théâtre.
Voilà donc, juste Dieu, quelle est ma destinée !
La splendeur de mon sang, la pourpre où je suis née,
Enfin ce qui semblait promettre à mes beaux jours
D'un bonheur assuré l'inaltérable cours ;
Tout cela n'a donc fait que verser sur ma vie
Le funeste poison dont elle fut remplie !
Ô naissance ! ô jeunesse ! et toi, triste beauté,
Dont l'éclat dangereux enfla ma vanité,
Flatteuse illusion dont je fus occupée,
Vaine ombre de bonheur, que vous m'avez trompée !
Sur ce trône coupable un éternel ennui
M'a creusé le tombeau que l'on m'ouvre aujourd'hui.
Dans les eaux du Jourdain j'ai vu périr mon frère ;
Mon époux à mes yeux a massacré mon père ;
Par ce cruel époux condamnée à périr,
Ma vertu me restait, on ose la flétrir.
Grand Dieu ! dont les rigueurs éprouvent l'innocence,
Je ne demande point ton aide ou ta vengeance ;
J'appris de mes aïeux, que je sais imiter,
À voir la mort sans crainte et sans la mériter ;
Je t'offre tout mon sang : défends au moins ma gloire ;
Commande à mes tyrans d'épargner ma mémoire ;
Que le mensonge impur n'ose plus m'outrager.
Honorer la vertu, c'est assez la venger.
Mais quel tumulte affreux ! quels cris ! quelles alarmes !
Ce palais retentit du bruit confus des armes.