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LETTRES SUR ŒDIPE.

une raison qui puisse faire croire que j’ai fait les vers de M. Le Brun.

Hos Le Brun versiculos fecit ; tulit alter honores.

J’apprends que c’est un des avantages attachés à la littérature, et surtout à la poésie, d’être exposé à être accusé sans cesse de toutes les sottises qui courent la ville. On vient de me montrer une épître de l’abbé de Chaulieu au marquis de La Fare, dans laquelle il se plaint de cette injustice. Voici le passage :

....................
Accort, insinuant, et quelquefois flatteur,
J’ai su d’un discours enchanteur
Tout l’usage que pouvait faire
Beaucoup d’imagination,
Qui rejoignît avec adresse,
Au tour précis, à la justesse,
Le charme de la fiction.
............
Chapelle, par malheur..........
.......comme moi libertin,
Entre les amours et le vin,
M’apprit, sans rabot et sans lime.
L’art d’attraper facilement,

    troupe calomniaient Molière ; Térence se plaint dans ses prologues (Andria, prol., 5-7) d’être calomnié par un vieux poëte ; Aristophane calomnia Socrate ; Homère fut calomnié par Margitès. C’est là l’histoire de tous les arts et de toutes les professions.

    « Il s’est trouvé des gens, etc. » (Voyez, dans le texte, page 16, l’alinéa qui commence ainsi.)

    « Vous savez comment M. le Régent a daigné me consoler de ces petites persécutions ; vous savez quel beau présent il m’a fait. Je ne dirai pas, comme Chapelain disait de Louis XIII :

    « Les trois fois mille francs qu’il met dans ma famille
    Témoignent mon mérite, et font connaître assez
    Qu’il ne hait pas mes vers, pour être un peu forcés. »

    « Chærile, Chapelain et moi, nous avons été tous trois trop bien payés pour de mauvais vers.

    « Retulit acceptos, regale numisma, Philippos. »

    Horace, II, épître I, v. 234.

    « Le Régent, qui s’appelle Philippe, rend la comparaison parfaite. Ne nous enorgueillissons ni des méchancetés de nos ennemis, ni des bontés de nos protecteurs : on peut être avec tout cela un homme très-médiocre ; on peut être récompensé et envié sans aucun mérite.

    « Mais il faut convenir que c’est un grand bonheur pour les lettres, etc. » (La fin comme dans le texte.)

    L’édition de Kehl est la première qui ait donné le texte actuel. Le présent fait par le Régent à Voltaire était une pension de 2,000 francs. (B.)