340 BRUTUS.
Prodigué tout mon sang pour ce sénat jaloux : Tu le sais, ton courage eut part à ma victoire. ^Je sentais du plaisir à parler de ma gloire ; Mon cœur, enorgueilli du succès de mon bras, Trouvait de la grandeur à venger des ingrats ; On confie aisément des mallieurs qu’on surmonte : Mais qu’il est accablant de parler de sa bonté !
MESSALA.
Quelle est donc cette bonté et ce grand repentir ? Et de quels sentiments auriez-vous à rougir ?
TITUS.
^ ! Je rougis de moi-même et d’un feu téméraire, Inutile, imprudent, à mon devoir contraire.
MESSALA.
Quoi donc ! l’ambition, l’amour, et ses fureurs, Sont-ce des passions indignes des grands cœurs ?
TITUS.
L’ambition, l’amour, le dépit, tout m’accable ; De ce conseil de rois l’orgueil insupportable Méprise ma jeunesse et me refuse un rang Brigué par ma valeur, et payé par mon sang. Au milieu du dépit dont mon âme est saisie. Je perds tout ce que j’aime, on m’enlève Tullie : On te l’enlève, bêlas ! trop aveugle courroux ! Tu n’osais y prétendre, et ton cœur est jaloux. Je Tavouerai, ce feu, que j’avais su contraindre. S’irrite en s’échappant, et ne peut plus s’éteindre. Ami, c’en était fait, elle partait ; mon cœur De sa funeste flamme allait être vainqueur ; Je rentrais dans mes droits, je sortais d’esclavage : Le ciel a-t-il marqué ce terme à mon courage ? Moi, le fils de Brutus ; moi, fennemi des rois ; C’est du sang de Tarquin que j’attendrais des lois ! Elle refuse encor de m’en donner, l’ingrate ! Et partout dédaigné, partout ma boute éclate. Le d(|)it, la vengeance, et la bonté, et l’amour, De mes sens soulevés disposent tour à loiir.
MESSALA.
Puis-je ici vous parler, mais avec confiance ?
TITUS.
Toujours de tes conseils j’ai chéri la prudence. Kb bien ! fais-moi rous ; ir de mes égarements.