Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/418

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prévue, et que votre bonne femme de mère ne guérira pas, et qui durera peut-être plus que vous et moi ne voudrions.

FANCHON.

Votre humeur me fait plaisir : mais je crains bien d’être aussi malade que vous : je ne vous en dirais pas tant si nous étions de plain-pied : mais je me sens un peu hardie, de loin… Eh ! mon Dieu ! voici ma grande sœur qui entre dans ma chambre, et mon père et ma mère dans le jardin. Adieu ; je jugerai de votre amour si vous vous tirez de ce mauvais pas en habile homme.

NUIT-BLANCHE, en se collant à la muraille.

Ah ! monsieur, nous sommes perdus ! voici des gens avec une arquebuse.

LE CHEVALIER.

Non, ce n’est qu’une lunette : rassure-toi. Je suis sûr de plaire à ces gens-ci, puisque je connais leur ridicule et leur faible.


Scène III.

LE PRÉSIDENT BODIN, LA PRÉSIDENTE, DOMESTIQUES,
LE CHEVALIER, NUIT-BLANCHE.
LE PRÉSIDENT, avec une grande lunette.

On voit bien que je suis né sous le signe du cancre : toutes mes affaires vont de guingois. Il y a six mois que j’attends mon ami M. du Cap-Vert, ce fameux capitaine de vaisseau qui doit épouser ma cadette : et je vois certainement qu’il ne viendra de plus d’un an : le bourreau à Vénus rétrograde. Voici, d’un autre côté, mon impertinent de gendre, M. le comte des Apprêts, à qui j’ai donné mon aînée ; il affecte l’air de la mépriser ; il ne veut pas me faire l’honneur de me donner des petits-enfants : ceci est bien plus rétrograde encore. Ah ! malheureux président ! malheureux beau-père ! sur quelle étoile ai-je marché ? Çà, voyons un peu en quel état est le ciel ce soir.

LA PRÉSIDENTE.

le vous ai déjà dit, mon toutou, que votre astrologie n’est bonne qu’à donner des rhumes : vous devriez laisser là vos lunettes et vos astres. Que ne vous occupez-vous, comme moi, de choses utiles ? J’ai trouvé enfin l’élixir universel, et je guéris tout mon quartier. Eh bien, Champagne, comment se porte la femme, à qui j’en ai fait prendre une dose ?