la réputation d’être tendres, ce n’est pas que vos héros de théâtre ne soient amoureux, mais c’est qu’ils expriment rarement leur passion d’une manière naturelle. Nos amants parlent en amants, et les vôtres ne parlent encore qu’en poëtes.
Si vous permettez que les Français soient vos maîtres en galanterie, il y a bien des choses en récompense que nous pourrions prendre de vous. C’est au théâtre anglais que je dois la hardiesse que j’ai eue de mettre sur la scène les noms de nos rois et des anciennes familles du royaume. Il me paraît que cette nouveauté pourrait être la source d’un genre de tragédie qui nous est inconnu jusqu’ici, et dont nous avons besoin. Il se trouvera sans doute des génies heureux qui perfectionneront cette idée, dont Zaïre n’est qu’une faible ébauche. Tant que l’on continuera en France de protéger les lettres, nous aurons assez d’écrivains. La nature forme presque toujours des hommes en tout genre de talent ; il ne s’agit que de les encourager et de les employer. Mais si ceux qui se distinguent un peu n’étaient soutenus par quelque récompense honorable, et par l’attrait plus flatteur de la considération, tous les beaux-arts pourraient bien dépérir au milieu des abris élevés pour eux, et ces arbres plantés par Louis XIV dégénéreraient faute de culture : le public aurait toujours du goût, mais les grands maîtres manqueraient. Un sculpteur, dans son académie, verrait des hommes médiocres à côté de lui, et n’élèverait pas sa pensée jusqu’à Girardon et au Puget ; un peintre se contenterait de se croire supérieur à son confrère, et ne songerait pas à égaler le Poussin. Puissent les successeurs de Louis XIV suivre toujours l’exemple de ce grand roi, qui donnait d’un coup d’œil une noble émulation à tous les artistes ! Il encourageait à la fois un Racine et un Van Robais… Il portait notre commerce et notre gloire par delà les Indes ; il étendait ses grâces sur des étrangers, étonnés d’être connus et récompensés par notre cour. Partout où était le mérite, il avait un protecteur dans Louis XIV.
Car de son astre bienfaisant,
Les influences libérales,
Du Caire au bord de l’Occident,
Et sous les glaces boréales,
Cherchaient le mérite indigent.
Avec plaisir ses mains royales
Répandaient la gloire et l’argent :
Le tout sans brigue et sans cabales.
Guillelmini, Viviani,
Et le céleste Cassini,