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ZAÏRE.


Pourrait-il ?…

Orosmane.

Je t’ai dit, chrétien, que je le veux.
J’honore ta vertu ; mais cette humeur altière,
Se faisant estimer, commence à me déplaire :
Sors, et que le soleil, levé sur mes États,
Demain près du Jourdain ne te retrouve pas.
(Nérestan sort.)

Fatime.

Ô Dieu, secourez-nous !

Orosmane.

Et vous, allez, Zaïre,
Prenez dans le sérail un souverain empire ;
Commandez en sultane, et je vais ordonner
La pompe d’un hymen qui vous doit couronner.



Scène V.

OROSMANE, CORASMIN.
Orosmane.

Corasmin, que veut donc cet esclave infidèle ?
Il soupirait… ses yeux se sont tournés vers elle ;
Les as-tu remarqués ?

Corasmin[1].

Que dites-vous, seigneur ?
De ce soupçon jaloux écoutez-vous l’erreur ?

Orosmane.

Moi, jaloux ! qu’à ce point ma fierté s’avilisse !
Que j’éprouve l’horreur de ce honteux supplice !

Moi, que je puisse aimer comme l’on sait haïr[2] ?

Quiconque est soupçonneux invite à le trahir.

  1. Corasmin remplace l’Iago de Shakesprare. Mais ce confident, dit M. Villemain, est aussi insignifiant que celui d’Othello est infernal. C’est le bon Corasmin. (G. A.)
  2. Molière, dans la comédie des Fâcheux, dit, en parlant des jaloux, acte II, scène IV :

    De ces gens dont l’amour est fait comme la haine.

    On retrouve dans la scène des deux amants du Dépit amoureux plusieurs sentiments de la deuxième scène du quatrième acte entre Orosmane et Zaïre :

    Madame, il fut un temps où mon âme charmée…