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ACTE TROISIÈME.




Scène I.

OROSMANE, CORASMIN.
Orosmane.

Vous étiez, Corasmin, trompé par vos alarmes ;
Non, Louis contre moi ne tourne point ses armes ;
Les Français sont lassés de chercher désormais
Des climats que pour eux le destin n’a point faits ;
Ils n’abandonnent point leur fertile patrie.
Pour languir aux déserts de l’aride Arabie,
Et venir arroser de leur sang odieux
Ces palmes, que pour nous Dieu fait croître en ces lieux.
Ils couvrent de vaisseaux la mer de la Syrie.
Louis, des bords de Chypre, épouvante l’Asie ;
Mais j’apprends que ce roi s’éloigne de nos ports ;
De la féconde Égypte il menace les bords ;
J’en reçois à l’instant la première nouvelle ;
Contre les mamelucs son courage l’appelle ;
Il cherche Méledin, mon secret ennemi ;
Sur leurs divisions mon trône est affermi.
Je ne crains plus enfin l’Égypte ni la France.
Nos communs ennemis cimentent ma puissance,
Et, prodigues d’un sang qu’ils devraient ménager,
Prennent en s’immolant le soin de me venger.
Relâche ces chrétiens, ami, je les délivre ;
Je veux plaire à leur maître, et leur permets de vivre :
Je veux que sur la mer on les mène à leur roi.
Que Louis me connaisse, et respecte ma foi.
Mène-lui Lusignan ; dis-lui que je lui donne
Celui que la naissance allie à sa couronne ;
Celui que par deux fois mon père avait vaincu,
Et qu’il tint enchaîné, tandis qu’il a vécu.