Écoutant sans rougir des sentiments trop chers,
Se fit une vertu de languir dans vos fers.
Je croyais être aimé, madame, et votre maître,
Soupirant à vos pieds, devait s’attendre à l’être :
Vous ne m’entendrez point, amant faible et jaloux,
En reproches honteux éclater contre vous,
Cruellement blessé, mais trop fier pour me plaindre.
Trop généreux, trop grand pour m’abaisser à feindre,
Je viens vous déclarer que le plus froid mépris
De vos caprices vains sera le digne prix.
Ne vous préparez point à tromper ma tendresse,
À chercher des raisons dont la flatteuse adresse,
À mes yeux éblouis colorant vos refus,
Vous ramène un amant qui ne vous connaît plus,
Et qui, craignant surtout qu’à rougir on l’expose,
D’un refus outrageant veut ignorer la cause.
Madame, c’en est fait, une autre va monter
Au rang que mon amour vous daignait présenter ;
Une autre aura des yeux, et va du moins connaître
De quel prix mon amour et ma main devaient être.
Il pourra m’en coûter, mais mon cœur s’y résout.
Apprenez qu’Orosmane est capable de tout ;
Que j’aime mieux vous perdre, et, loin de votre vue,
Mourir désespéré de vous avoir perdue,
Que de vous posséder, s’il faut qu’à votre foi
Il en coûte un soupir qui ne soit pas pour moi.
Allez, mes yeux jamais ne reverront vos charmes.
Tu m’as donc tout ravi, Dieu témoin de mes larmes !
Tu veux commander seul à mes sens éperdus…
Eh bien ! puisqu’il est vrai que vous ne m’aimez plus,
Seigneur...
Il est trop vrai que l’honneur me l’ordonne,
Que je vous adorai, que je vous abandonne,
Que je renonce à vous, que vous le désirez,
Que sous une autre loi… Zaïre, vous pleurez ?
Ah ! seigneur ! ah ! du moins, gardez de jamais croire
Que du rang d’un soudan je regrette la gloire ;
Je sais qu’il faut vous perdre, et mon sort l’a voulu :