Monsieur, on vient de me montrer une critique[2] de mon Œdipe, qui, je crois, sera imprimée avant que cette seconde édition puisse paraître. J’ignore quel est l’auteur de cet ouvrage. Je suis fâché qu’il me prive du plaisir de le remercier des éloges qu’il me donne avec bonté, et des critiques qu’il fait de mes fautes avec autant de discernement que de politesse.
J’avais déjà reconnu, dans l’examen que J’ai fait de ma tragédie, une bonne partie des défauts que l’observateur relève : mais je me suis aperçu qu’un auteur s’épargne toujours quand il se critique lui-même, et que le censeur veille lorsque l’auteur s’endort. Celui qui me critique a vu sans doute mes fautes d’un œil plus éclairé que moi : cependant je ne sais si, comme j’ai été un peu indulgent, il n’est pas quelquefois un peu trop sévère. Son ouvrage m’a confirmé dans l’opinion où je suis que le sujet d’Œdipe est un des plus difficiles qu’on ait jamais mis au théâtre. Mon censeur me propose un plan sur lequel il voudrait que j’eusse composé ma pièce : c’est au public à en juger ; mais je suis persuadé que, si j’avais travaillé sur le modèle qu’il me présente, on ne m’aurait pas fait même l’honneur de me critiquer. J’avoue qu’en substituant, comme il le veut, Créon à Philoctète, j’aurais peut-être donné plus d’exactitude à mon ouvrage ; mais Créon aurait été un personnage bien froid, et j’aurais trouvé par là le secret d’être à la fois ennuyeux et irrépréhensible.
On m’a parlé de quelques autres critiques : ceux qui se donnent la peine de les faire me feront toujours beaucoup d’honneur, et même de plaisir, quand ils daigneront me les montrer. Si je ne puis à présent profiter de leurs observations, elles m’éclaireront du moins pour les premiers ouvrages que je pourrai composer, et me feront marcher d’un pas plus sûr dans cette carrière dangereuse.
On m’a fait apercevoir que plusieurs vers de ma pièce se trouvaient dans d’autres pièces de théâtre. Je dis qu’on m’en a fait