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MOÏSE.

l’aura dicté, si l’Église n’avait pas d’ailleurs décidé que le livre est de Moïse.

Quelques contradicteurs ajoutent qu’aucun prophète n’a cité les livres du Pentateuque, qu’il n’en est question ni dans les psaumes, ni dans les livres attribués à Salomon, ni dans Jérémie, ni dans Isaïe, ni enfin dans aucun livre canonique des Juifs. Les mots qui répondent à ceux de Genèse, Exode, Nombres, Lévitique, Deutéronome, ne se trouvent dans aucun autre écrit reconnu par eux pour authentique.

D’autres, plus hardis, ont fait les questions suivantes :

1° En quelle langue Moïse aurait-il écrit dans un désert sauvage ? Ce ne pouvait être qu’en égyptien : car par ce livre même on voit que Moïse et tout son peuple étaient nés en Égypte. Il est probable qu’ils ne parlaient pas d’autre langue. Les Égyptiens ne se servaient pas encore du papyrus ; on gravait des hiéroglyphes sur le marbre ou sur le bois. Il est même dit que les tables des commandements furent gravées sur des pierres polies, ce qui demandait des efforts et un temps prodigieux.

2° Est-il vraisemblable que dans un désert où le peuple juif n’avait ni cordonnier ni tailleur, et où le Dieu de l’univers était obligé de faire un miracle continuel pour conserver les vieux habits et les vieux souliers des Juifs, il se soit trouvé des hommes assez habiles pour graver les cinq livres du Pentateuque sur le marbre ou sur le bois ? On dira qu’on trouva bien des ouvriers qui firent un veau d’or en une nuit, et qui réduisirent ensuite l’or en poudre, opération impossible à la chimie ordinaire, non encore inventée ; qui construisirent le tabernacle, qui l’ornèrent de trente-quatre colonnes d’airain avec des chapiteaux d’argent ; qui ourdirent et qui brodèrent des voiles de lin, d’hyacinthe, de pourpre et d’écarlate ; mais cela même fortifie l’opinion des contradicteurs. Ils répondent qu’il n’est pas possible que dans un désert où l’on manquait de tout, on ait fait des ouvrages si recherchés ; qu’il aurait fallu commencer par faire des souliers et des tuniques ; que ceux qui manquent du nécessaire ne donnent point dans le luxe, et que c’est une contradiction évidente de dire qu’il y ait eu des fondeurs, des graveurs, des brodeurs, quand on n’avait ni habits ni pain.

3° Si Moïse avait écrit le premier chapitre de la Genèse, aurait-il été défendu à tous les jeunes gens de lire ce premier chapitre ? Aurait-on porté si peu de respect au législateur ? Si c’était Moïse qui eût dit que Dieu punit l’iniquité des pères jusqu’à la quatrième génération, Ézéchiel aurait-il osé dire le contraire ?