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NUDITÉ.

n’est touché de l’admirable spectacle du soleil, qui se lève ou plutôt semble se lever tous les jours ; tout le monde court au moindre petit météore qui paraît un moment dans cet amas de vapeurs qui entourent la terre, et qu’on appelle le ciel :

Vilia sunt nobis quæcumque prioribus annis
Vidimus, et sordet quidquid spectavimus olim.

Un colporteur ne se chargera pas d’un Virgile, d’un Horace, mais d’un livre nouveau, fût-il détestable. Il vous tire à part, et vous dit : « Monsieur, voulez-vous des livres de Hollande ? »

Les femmes se plaignent depuis le commencement du monde des infidélités qu’on leur fait en faveur du premier objet nouveau qui se présente, et qui n’a souvent que cette nouveauté pour tout mérite. Plusieurs dames (il faut bien l’avouer, malgré le respect infini qu’on a pour elles) ont traité les hommes comme elles se plaignent qu’on les a traitées ; et l’histoire de Joconde est beaucoup plus ancienne que l’Arioste.

Peut-être ce goût universel pour la nouveauté est-il un bienfait de la nature. On nous crie : Contentez-vous de ce que vous avez, ne désirez rien au-delà de votre état, réprimez votre curiosité, domptez les inquiétudes de votre esprit. Ce sont de très-bonnes maximes ; mais si nous les avions toujours suivies, nous mangerions encore du gland, nous coucherions à la belle étoile, et nous n’aurions eu ni Corneille, ni Racine, ni Molière, ni Poussin, ni Le Brun, ni Le Moine, ni Pigalle.



NUDITÉ[1].


Pourquoi enfermerait-on un homme, une femme, qui marcheraient tout nus dans les rues ? Et pourquoi personne n’est-il choqué des statues absolument nues, des peintures de Magdeleine et de Jésus qu’on voit dans quelques églises ?

Il est vraisemblable que le genre humain a subsisté longtemps sans être vêtu.

On a trouvé dans plus d’une île, et dans le continent de l’Amérique, des peuples qui ne connaissaient pas les vêtements.

Les plus civilisés cachaient les organes de la génération par des feuilles, par des joncs entrelacés, par des plumes.

  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)