Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
LOIS (ESPRIT DES).

île de l’Océan au delà de la Germanie : Suionum hinc civitates ipso in Oceano[1]. Guerriers valeureux et bien armés, ils ont encore des flottes : Præter viros armaque classibus valent. Les riches y sont considérés : Est... et opibus honos. Ils n’ont qu’un chef : eosque unus imperitat.

Ces barbares que Tacite ne connaissait point, qui, dans leur petit pays, n’avaient qu’un seul chef, et qui préféraient le possesseur de cinquante vaches à celui qui n’en avait que douze, ont-ils le moindre rapport avec nos monarchies et nos lois somptuaires ?

« Les Samnites avaient une belle coutume, et qui devait produire d’admirables effets. Le jeune homme déclaré le meilleur prenait pour sa femme la fille qu’il voulait. Celui qui avait les suffrages après lui choisissait encore, et ainsi de suite. » (Liv. VII, ch. xvi.) — L’auteur a pris les Sunites, peuples de Scythie, pour les Samnites voisins de Rome. Il cite un fragment de Nicolas de Damas, recueilli par Stobée ; mais Nicolas de Damas est-il un sûr garant ? Cette belle coutume d’ailleurs serait très-préjudiciable dans tout État policé : car si le garçon déclaré le meilleur avait trompé les juges, si la fille ne voulait pas de lui, s’il n’avait pas de bien, s’il déplaisait au père et à la mère, que d’inconvénients et que de suites funestes !

« Si l’on veut lire l’admirable ouvrage de Tacite sur les mœurs des Germains, on verra que c’est d’eux que les Anglais ont tiré l’idée de leur gouvernement politique. Ce beau système a été trouvé dans les bois.» (Liv. XI, chap. vi.) — La chambre des pairs et celle des communes, la cour d’équité, trouvées dans les bois ! On ne l’aurait pas deviné. Sans doute les Anglais doivent aussi leurs escadres et leur commerce aux mœurs des Germains, et les sermons de Tillotson à ces pieuses sorcières germaines qui sacrifiaient les prisonniers, et qui jugeaient du succès d’une campagne par la manière dont leur sang coulait. Il faut croire aussi qu’ils doivent leurs belles manufactures à la louable coutume des Germains, qui aimaient mieux vivre de rapine que de travailler, comme le dit Tacite.

« Aristote met au rang des monarchies l’empire des Perses et le royaume de Lacédémone. Mais qui ne voit que l’un était un État despotique, et l’autre une république ? » (Liv. XI, chap. ix.)

— Qui ne voit au contraire que Lacédémone eut un seul roi pendant quatre cents ans, ensuite deux rois jusqu’à l’extinction de la

  1. De Moribus Germanorum, 44.