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PARLEMENT DE FRANCE.

c’est que nous donnâmes ce nom à ces assemblées dès que nous avons écrit en langue française ; et les Anglais, qui prirent toutes nos coutumes, appelèrent parlement leurs assemblées des pairs.

Ce mot, source de tant d’équivoques, fut affecté à plusieurs autres corps, aux officiers municipaux des villes, à des moines, à des écoles : autre preuve d’un antique usage.

On ne répétera pas ici comment le roi Philippe le Bel, qui détruisit et forma tant de choses, forma une chambre de parlement à Paris, pour juger dans cette capitale les grands procès portés auparavant partout où se trouvait la cour ; comment cette chambre, qui ne siégeait que deux fois l’année, fut salariée par le roi à cinq sous par jour pour chaque conseiller juge. Cette chambre était nécessairement composée de membres amovibles, puisque tous avaient d’autres emplois : de sorte que qui était juge à Paris à la Toussaint allait commander les troupes à la Pentecôte.

Nous ne redirons point comment cette chambre ne jugea de longtemps aucun procès criminel ; comment les clercs ou gradués, enquêteurs établis pour rapporter les procès aux seigneurs conseillers juges, et non pour donner leurs voix, furent bientôt mis à la place de ces juges d’épée, qui rarement savaient lire et écrire.

On sait par quelle fatalité étonnante et funeste le premier procès criminel que jugèrent ces nouveaux conseillers gradués fut celui de Charles VII, leur roi, alors dauphin de France, qu’ils déclarèrent, sans le nommer, déchu de son droit à la couronne ; et comment, quelques jours après, ces mêmes juges, subjugués par le parti anglais dominant, condamnèrent le dauphin, le descendant de saint Louis, au bannissement perpétuel, le 3 janvier 1420 ; arrêt aussi incompétent qu’infâme, monument éternel de l’opprobre et de la désolation où la France était plongée, et que le président Hénault a tâché en vain de pallier dans son Abrégé aussi estimable qu’utile. Mais tout sort de sa sphère dans les temps de trouble. La démence du roi Charles VI, l’assassinat du duc de Bourgogne commis par les amis du dauphin, le traité solennel de Troyes, la défection de tout Paris et des trois quarts de la France, les grandes qualités, les victoires, la gloire, l’esprit, le bonheur de Henri V, solennellement déclaré roi de France, tout semblait excuser le parlement.

Après la mort de Charles VI, en 1422, et dix jours après ses obsèques, tous les membres du parlement de Paris jurèrent sur un missel, dans la grand’chambre, obéissance et fidélité au jeune roi d’Angleterre Henri VI, fils de Henri V ; et ce tribunal fit mourir une bourgeoise de Paris qui avait eu le courage d’ameuter plu-