Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
PHILOSOPHIE.

SECTION IV.
PRÉCIS DE LA PHILOSOPHIE ANCIENNE[1].

J’ai consumé environ quarante années de mon pèlerinage dans deux ou trois coins de ce monde à chercher cette pierre philosophale qu’on nomme la vérité. J’ai consulté tous les adeptes de l’antiquité, Épicure et Augustin, Platon et Malebranche, et je suis demeuré dans ma pauvreté. Peut-être dans tous ces creusets des philosophes y a-t-il une ou deux onces d’or ; mais tout le reste est tête-morte, l’ange insipide, dont rien ne peut naître.

Il me semble que les Grecs nos maîtres écrivaient bien plus pour montrer leur esprit qu’ils ne se servaient de leur esprit pour s’instruire. Je ne vois pas un seul autour de l’antiquité qui ait un système suivi, méthodique, clair, marchant de conséquence en conséquence.

Quand j’ai voulu rapprocher et combiner les systèmes de Platon, du précepteur d’Alexandre, de Pythagore, et des Orientaux, voici à peu près ce que j’en ai pu tirer.


Le hasard est un mot vide de sens ; rien ne peut exister sans cause. Le monde est arrangé suivant des lois mathématiques : donc il est arrangé par une intelligence.


Ce n’est pas un être intelligent tel que je le suis qui a présidé à la formation de ce monde, car je ne puis former un ciron : donc ce monde est l’ouvrage d’une intelligence prodigieusement supérieure.


Cet être, qui possède l’intelligence et la puissance dans un si haut degré, existe-t-il nécessairement ? Il le faut bien : car il faut, ou qu’il ait reçu l’être par un autre, ou qu’il soit par sa propre nature. S’il a reçu l’être par un autre, ce qui est très-difficile à concevoir, il faut donc que je recoure à cet autre, et cet autre sera le premier moteur. De quelque côté que je me tourne, il faut donc que j’admette un premier moteur puissant et intelligent, qui est tel nécessairement par sa propre nature.


Ce premier moteur a-t-il produit les choses de rien ? Cela ne

  1. Imprimé dans les Nouveaux Mélanges, troisième partie, 1765, ce morceau y était déjà intitulé Précis de la philosophie ancienne. (B.)