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PIERRE (SAINT).

et Épicure, dont la philosophie corpusculaire a combattu ces dogmes. Mais remarquons que les épicuriens se fondaient sur une physique entièrement erronée, et que le système métaphysique de tous les autres philosophes subsiste avec tous les systèmes physiques. Toute la nature, excepté le vide, contredit Épicure ; et aucun phénomène ne contredit la philosophie que je viens d’expliquer. Or une philosophie qui est d’accord avec tout ce qui se passe dans la nature, et qui contente les esprits les plus attentifs, n’est-elle pas supérieure à tout autre système non révélé ? Après les assertions des anciens philosophes, que j’ai rapprochées autant qu’il m’a été possible, que nous reste-t-il ? Un chaos de doutes et de chimères. Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu un philosophe à système qui n’ait avoué à la fin de sa vie qu’il avait perdu son temps. Il faut avouer que les inventeurs des arts mécaniques ont été bien plus utiles aux hommes que les inventeurs des syllogismes : celui qui imagina la navette l’emporte furieusement sur celui qui imagina les idées innées.



PIERRE[1].


Pourquoi les successeurs de saint Pierre ont-ils eu tant de pouvoir en Occident et aucun en Orient ? C’est demander pourquoi les évêques de Vurtzbourg et de Saltzbourg se sont attribué les droits régaliens dans des temps d’anarchie, tandis que les évêques grecs sont toujours restés sujets. Le temps, l’occasion, l’ambition des uns et la faiblesse des autres, ont fait et feront tout dans ce monde. Nous faisons toujours abstraction de ce qui est divin.

À cette anarchie l’opinion s’est jointe, et l’opinion est la reine des hommes. Ce n’est pas qu’en effet ils aient une opinion bien déterminée, mais des mots leur en tiennent lieu.

« Je te donnerai les clefs du royaume des cieux. » Les parti-

  1. Dans l’édition de 1764 du Dictionnaire philosophique, où cet article parut pour la première fois, il était intitulé :

    « Pierre ; en italien, Piero ou Pietro ; en espagnol, Pedro ; en latin, Petrus ; en grec, Petros ; en hébreu, Cepha. »

    Cet intitulé est conservé dans les éditions de 1765 et 1767 du Dictionnaire philosophique, et aussi dans l’édition du même ouvrage publiée en 1769, sous le titre de : la Raison par alphabet. L’article n’était pas reproduit dans la première édition des Questions sur l’Encyclopédie ; il le fut dans l’édition in-4o, en 1774, et sous ce simple titre : « Saint Pierre. » (B.)

    — Voyez aussi Voyage de Saint Pierre à Rome.