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PIERRE LE GRAND ET J.-J. ROUSSEAU.

Ces paroles sont tirées d’une brochure intitulée le Contrat social, ou insocial, du peu sociable Jean-Jacques Rousseau. Il n’est pas étonnant qu’ayant fait des miracles à Venise il ait fait des prophéties sur Moscou ; mais comme il sait bien que le bon temps des miracles et des prophéties est passé, il doit croire que sa prédiction contre la Russie n’est pas aussi infaillible qu’elle lui a paru dans son premier accès. Il est doux d’annoncer la chute des grands empires, cela nous console de notre petitesse. Ce sera un beau gain pour la philosophie quand nous verrons incessamment les Tartares Nogais, qui peuvent, je crois, mettre jusqu’à douze mille hommes en campagne, venir subjuguer la Russie, l’Allemagne, l’Italie et la France. Mais je me flatte que l’empereur de la Chine ne le souffrira pas ; il a déjà accédé à la paix perpétuelle, et comme il n’a plus de jésuites chez lui, il ne troublera point l’Europe. Jean-Jacques, qui a, comme on croit, le vrai génie, trouve que Pierre le Grand ne l’avait pas.

Un seigneur russe, homme de beaucoup d’esprit, qui s’amuse quelquefois à lire des brochures, se souvint, en lisant celle-ci, de quelques vers de Molière, et les cita fort à propos :

Il semble à trois gredins, dans leur petit cerveau,
Que pour être imprimés et reliés en veau,