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POPULATION.

Les millions d’hommes qui suivaient les Xerxès, les Cyrus, les Tomyris, les trente ou trente-quatre millions d’Égyptiens, et la Thèbes aux cent portes,

Aud. . . . . . . . Et quidquid Græcia mendax.
Audet in historia[1].


ressemblent assez aux cinq cent mille hommes d’Attila. Cette compagnie de voyageurs aurait été difficile à nourrir sur la route.

Ces Huns venaient de la Sibérie, soit ; de là je conclus qu’ils venaient en très-petit nombre. La Sibérie n’était certainement pas plus fertile que de nos jours. Je doute que sous le règne de Tomyris il y eût une ville telle que Tobolsk, et que ces déserts affreux pussent nourrir un grand nombre d’habitants.

Les Indes, la Chine, la Perse, l’Asie Mineure, étaient très-peuplées : je le crois sans peine, et peut-être ne le sont-elles pas moins de nos jours, malgré la rage destructive des invasions et des guerres. Partout où la nature a mis des pâturages, le taureau se marie à la génisse, le bélier à la brebis, et l’homme à la femme.

Les déserts de Barca, de l’Arabie, d’Horeb, de Sinaï, de Jérusalem, de Cobi, etc., ne furent jamais peuplés, ne le sont point, et ne le seront jamais, à moins qu’il n’arrive quelque révolution qui change en bonne terre labourable ces horribles plaines de sable et de cailloux.

Le terrain de la France est assez bon, et il est suffisamment couvert de consommateurs, puisque en tout genre il y a plus de postulants que de places, puisqu’il y a deux cent mille fainéants qui gueusent d’un bout du pays à l’autre, et qui soutiennent leur détestable vie aux dépens des riches ; enfin, puisque la France nourrit près de quatre-vingt mille moines, dont aucun n’a fait servir ses mains à produire un épi de froment.


SECTION II[2].
RÉFUTATION D’UN ARTICLE DE L’ENCYCLOPÉDIE.

Vous lisez dans le grand Dictionnaire encyclopédique, à l’article Population, ces paroles dans lesquelles il n’y a pas un mot de vrai :

« La France s’est accrue de plusieurs grandes provinces très-

  1. Juvénal, sat. x, 174-75.
  2. Voyez la note 2 de la page 245.