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MARIAGE.

sous l’empereur Marcien ; et Justinien les rejeta de son code. Elles ne furent faites d’ailleurs que contre les juifs, et jamais on ne pensa de les appliquer aux mariages des païens ou des hérétiques avec les sectateurs de la religion dominante.

Consultez saint Augustin[1], il vous dira que de son temps on ne regardait pas comme illicites les mariages des fidèles avec les infidèles, parce qu’aucun texte de l’Évangile ne les avait condamnés : « Quæ matrimonia cum infidelibus, nostris temporibus, jam non putantur esse peccata ; quoniam in Novo Testamento nihil inde præceptum est, et ideo aut licere creditum est, aut velut dubium derelictum.

Augustin dit de même que ces mariages opèrent souvent la conversion de l’époux infidèle. Il cite l’exemple de son propre père, qui embrassa la religion chrétienne parce que sa femme Monique professait le christianisme. Clotilde, par la conversion de Clovis, et Théodelinde, par celle d’Agiluphe, roi des Lombards, furent plus utiles à l’Église que si elles eussent épousé des princes orthodoxes.

Consultez la déclaration du pape Benoît XIV, du 4 novembre 1741, vous y lirez ces propres mots : « Quod vero spectat ad ea conjugia quæ,... absque forma a Tridentino statuta, contrahuntur a catholicis cum hæreticis, sive catholicus vir hæreticam feminam in matrimonium ducat, sive catholica femina hæretico viro nubat ;... si forte aliquod hujus generis matrimonium. Tridentini forma non servata, ibidem contractum jam sit, aut in posterurm... contrahi contingat, declarat sanctitas sua matrimonium hujus modi, alio non concurrente..... impedimento, validum habendum esse,... sciens..... (conjux catholicus) se istius matrimonii vinculo perpetuo ligatum iri. »

Par quel étonnant contraste les lois françaises sont-elles sur cette matière plus sévères que celles de l’Église ? La première loi qui ait établi ce rigorisme en France est l’édit de Louis XIV, du mois de novembre 1680. Cet édit mérite d’être rapporté :

« Louis, etc. Les canons des conciles ayant condamné les mariages des catholiques avec les hérétiques comme un scandale public et une profanation du sacrement, nous avons estimé d’autant plus nécessaire de les empêcher à l’avenir que nous avons reconnu que la tolérance de ces mariages expose les catholiques à une tentation continuelle de sa perversion, etc. À ces causes, etc., voulons et nous plaît qu’à l’avenir nos sujets de la

  1. Lib. de fide et operib., cap. xix., n. 35. (Note de Voltaire.)