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ROME, COUR DE ROME.

En un mot, jusqu’à Innocent VIII, qui se rendit maître du château de Saint-Ange, les papes ne jouirent jamais dans Rome d’une souveraineté véritable.

Leur autorité spirituelle fut sans doute le fondement de la temporelle ; mais s’ils s’étaient bornés à imiter la conduite de Saint Pierre, dont on se persuada qu’ils remplissaient la place, ils n’auraient jamais acquis que le royaume des cieux. Ils surent toujours empêcher les empereurs de s’établir à Rome, malgré ce beau nom de roi des Romains. La faction guelfe l’emporta toujours en Italie sur la faction gibeline. On aimait mieux obéir à un prêtre italien qu’à un roi allemand.

Dans les guerres civiles que la querelle de l’empire et du sacerdoce suscita pendant plus de cinq cents années, plusieurs seigneurs obtinrent des souverainetés, tantôt en qualité de vicaires de l’empire, tantôt comme vicaires du saint-siége. Tels furent les princes d’Este à Ferrare, les Bentivoglio à Bologne, les Malatesta à Rimini, les Manfredi à Faenza, les Baglione à Pérouse, les Ursins dans Anguillara et dans Serveti, les Colonne dans Ostie, les Riario à Forli, les Montefeltro dans Urbin, les Varano dans Camerino, les Gravina dans Sinigaglia.

Tous ces seigneurs avaient autant de droits aux terres qu’ils possédaient que les papes en avaient au patrimoine de Saint-Pierre ; les uns et les autres étaient fondés sur des donations.

On sait comme le pape Alexandre VI se servit de son bâtard César de Borgia pour envahir toutes ces principautés.

Le roi Louis XII obtint de ce pape la cassation de son mariage, après dix-huit années de jouissance, à condition qu’il aiderait l’usurpateur.

Les assassinats commis par Clovis, pour s’emparer des États des petits rois ses voisins, n’approchent pas des horreurs exécutées par Alexandre VI et par son fils.

L’histoire de Néron est bien moins abominable : le prétexte de la religion n’augmentait pas l’atrocité de ses crimes. Observez que dans le même temps les rois d’Espagne et de Portugal demandaient à ce pape, l’un l’Amérique et l’autre l’Asie, et que ce monstre les donna au nom du Dieu qu’il représentait. Observez que cent mille pèlerins couraient à son jubilé, et adoraient sa personne.

Jules II acheva ce qu’Alexandre VI avait commencé. Louis XII, né pour être la dupe de tous ses voisins, aida Jules à prendre Bologne et Pérouse. Ce malheureux roi, pour prix de ses services, fut chassé d’Italie et excommunié par ce même pape, que l’arche-