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SALOMON.

pays[1]. Nous l’avons déjà remarqué[2], ceux qui veulent raisonner trouvent difficile que David, successeur de Saül vaincu par les Philistins, ait pu pendant son administration fonder un vaste empire.

Les richesses qu’il laissa à Salomon sont encore plus merveilleuses ; il lui donna comptant cent trois mille talents d’or, et un million treize mille talents d’argent. Le talent d’or hébraïque vaut, selon Arbuthnot, six mille livres sterling. La somme totale du legs en argent comptant, sans les pierreries et les autres effets, et sans le revenu ordinaire proportionné sans doute à ce trésor, montait, suivant ce calcul, à un milliard cent dix-neuf millions cinq cent mille livres sterling, ou à cinq milliards cinq cent quatre-vingt-dix-sept millions d’écus d’Allemagne, ou à vingt-cinq milliards six cent quarante-huit millions de France. Il n’y avait pas alors autant d’espèces circulantes dans le monde entier. Ouelques érudits évaluent ce trésor un peu plus bas, mais la somme est toujours bien forte pour la Palestine.

On ne voit pas après cela pourquoi Salomon se tourmentait tant à envoyer ses flottes au pays d’Ophir pour rapporter de l’or. On devine encore moins comment ce puissant monarque n’avait pas dans ses vastes États un seul homme qui sût façonner du bois dans la forêt du Liban. Il fut obligé de prier Hiram, roi de Tyr, de lui prêter des fendeurs de bois et des ouvriers pour le mettre en œuvre. Il faut avouer que ces contradictions exercent le génie des commentateurs.

On servait par jour, pour le dîner et le souper de sa maison, cinquante bœufs et cent moutons, et de la volaille et du gibier à proportion : ce qui peut aller par jour à soixante mille livres pesant de viande ; cela fait une bonne maison.

  1. Le texte de 1765, reproduit en 1769, portait : « ... dans son pays, et qu’on ne trouva que deux épées quand il fallut que Saül fit la guerre aux Philistins, auxquels les Juifs étaient soumis.

    « Saül, qui ne possédait d’abord dans ses États que deux épées, eut bientôt une armée de trois cent trente mille hommes. Jamais le sultan des Turcs n’a eu de si nombreuses armées ; il y avait là de quoi conquérir la terre. Ces belles contradictions semblent exclure tout raisonnement ; mais ceux qui veulent raisonner trouvent très-difficile que David, qui succéda à Saül vaincu par les Philistins, ait pu, pendant son administration, fonder un vaste empire.

    « Les richesses qu’il laissa, etc. » (B.)

  2. Je pense que Voltaire veut parler ici de ce qu’il avait dit, en 1765, dans le Dictionnaire philosophique, et, en 1769, dans la Raison par alphabet ; voyez la note qui précède. (B.)