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MARIAGE.

du 2 janvier 1758, la sentence fut confirmée ; et il fut défendu de nouveau à Levi de contracter aucun mariage pendant la vie de Mendel-Cerf.

Voilà donc un mariage contracté entre des Français juifs suivant les rites juifs, déclaré valable par la première cour du royaume.

Mais quelques années après, la même question fut jugée différemment dans un autre parlement, au sujet d’un mariage contracté entre deux Français protestants qui avaient été mariés en présence de leurs parents par un ministre de leur communion. L’époux protestant avait changé de religion comme l’époux juif ; et après avoir passé à un second mariage avec une catholique, le parlement de Grenoble confirma ce second mariage, et déclara nul le premier.

Si de la jurisprudence nous passons à la législation, nous la trouverons obscure sur cette matière importante comme sur tant d’autres.

Par un arrêt du conseil du 15 septembre 1685, il fut dit que « les protestants[1] pourraient se faire marier, pourvu toutefois que ce fût en présence du principal officier de justice, et que les publications qui devaient précéder ces mariages se feraient au siége royal le plus prochain du lieu de la demeure de chacun des protestants qui se voudraient marier, et seulement à l’audience ».

Cet arrêt ne fut point révoqué par l’édit qui, trois semaines après, supprima l’édit de Nantes.

Mais depuis la déclaration du 14 mai 1724, minutée par le cardinal de Fleury, les juges n’ont plus voulu présider aux mariages des protestants, ni permettre dans leurs audiences la publication de leurs bans.

L’article xv de cette loi veut que les formes prescrites par les canons soient observées dans les mariages, tant des nouveaux convertis que de tous les autres sujets du roi.

On a cru que cette expression générale, tous les autres sujets, comprenait les protestants comme les catholiques ; et sur cette interprétation on a annulé les mariages des protestants qui n’avaient pas été revêtus des formes canoniques.

Cependant il semble que les mariages des protestants ayant été autorisés autrefois par une loi expresse, il faudrait aujourd’hui,

  1. N’est-il pas bien plaisant qu’en France le conseil même ait donné aux protestants le nom de religionnaires, comme si eux seuls avaient eu de la religion, et que les autres n’eussent été que des papistes gouvernés par des arrêts et par des bulles ? (Note de Voltaire.)