vieille. Quel incrédule, ajoute le secrétaire, osera nier tous ces faits évidents qui se sont passés dans un coin à la face de toute la terre ? Qui pourra nier l’accomplissement de leurs prophéties ? Virgile lui-même n’a-t-il pas cité les prédictions des sibylles ? Si nous n’avons pas les premiers exemplaires des livres sibyllins, écrits dans un temps où l’on ne savait ni lire ni écrire, n’en avons-nous pas des copies authentiques ? Il faut que l’impiété se taise devant ces preuves. Ainsi parlait Houttevillus[1] à Séjan. Il espérait avoir une place d’augure qui lui vaudrait cinquante mille livres de rente, et il n’eut rien.
Ce que ma secte enseigne est obscur, je l’avoue, dit un fanatique ; et c’est en vertu de cette obscurité qu’il la faut croire : car elle dit elle-même qu’elle est pleine d’obscurités. Ma secte est extravagante, donc elle est divine : car comment ce qui paraît si fou aurait-il été embrassé par tant de peuples, s’il n’y avait pas du divin ? C’est précisément comme l’Alcoran, que les Sonnites disent avoir un visage d’ange et un visage de bête : ne soyez pas scandalisés du mufle de la bête, et révérez la face de l’ange. Ainsi parle cet insensé ; mais un fanatique d’une autre secte répond à ce fanatique : C’est toi qui es la bête, et c’est moi qui suis l’ange.
Or qui jugera ce procès ? qui décidera entre ces deux énergumènes ? L’homme raisonnable, impartial, savant d’une science qui n’est pas celle des mots ; l’homme dégagé des préjugés et amateur de la vérité et de la justice ; l’homme enfin qui n’est pas bête, et qui ne croit point être ange.
Secte et erreur sont synonymes. Tu es péripatéticien, et moi platonicien : nous avons donc tous deux tort car, tu ne combats Platon que parce que ses chimères t’ont révolté ; et moi, je ne m’éloigne d’Aristote que parce qu’il m’a paru qu’il ne sait ce qu’il dit. Si l’un ou l’autre avait démontré la vérité, il n’y aurait plus de secte. Se déclarer pour l’opinion d’un homme contre celle d’un autre, c’est prendre parti comme dans une guerre civile. Il n’y a point de secte en mathématiques, en physique expérimentale. Un homme qui examine le rapport d’un cône et d’une sphère n’est point de la secte d’Archimède ; celui qui voit que le carré de