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TONNERRE.

L’un jamais ne se fourvoie,
Et c’est celui que toujours
L’Olympe en corps nous envoie.
L’autre s’écarte en son cours,
Ce n’est qu’aux monts qu’il en coûte ;
Bien souvent même il se perd,
Et ce dernier en sa route
Nous vient du seul Jupiter.

Avait-on donné à La Fontaine le sujet de cette mauvaise fable, qu’il mit en mauvais vers si éloignés de son genre ? Voulait-on dire que les ministres de Louis XIV étaient inflexibles, et que le roi pardonnait[1] ?

Crébillon, dans ses discours académiques en vers étranges, dit que le cardinal de Fleury est un sage dépositaire,

Usant en citoyen du pouvoir arbitraire,
Aigle de Jupiter, mais ami de la paix,
Il gouverne la foudre, et ne tonne jamais.

Il dit que le maréchal de Villars

Fit voir qu’à Malplaquet il n’avait survécu
Que pour rendre à Denain sa valeur plus célèbre,
Et qu’un foudre de moins Eugène était vaincu.

Ainsi l’aigle Fleury gouvernait le tonnerre sans tonner, et Eugène le tonnerre était vaincu ; voilà bien des tonnerres.

SECTION II[2].

Horace, tantôt le débauché et tantôt le moral, a dit (liv. Ier, ode IIIe, vers 38) :

Cœlum ipsum petimus stultitia...

Nous portons jusqu’au ciel notre folie.

On peut dire aujourd’hui : Nous portons jusqu’au ciel notre sagesse, si pourtant il est permis d’appeler ciel cet amas bleu et blanc d’exhalaisons qui forme les vents, la pluie, la neige, la

  1. Cette fable vient des anciens Étrusques. Voyez Sénèque, Questions naturelles, livre II, chapitres xli, xlvi. (K.)
  2. Voyez la note 1 de la page 526.