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MESSIE

« On l’imprima en même temps dans un autre petit dictionnaire, et on l’attribua en France à un homme qu’on n’était pas fâché d’inquiéter. On supposa que l’article était impie, parce qu’on le supposait d’un laïque et on se déchaîna contre l’ouvrage et contre l’auteur prétendu. L’homme accusé se contenta de rire de cette méprise. Il voyait avec compassion sous ses yeux cet exemple des erreurs et des injustices que les hommes commettent tous les jours dans leurs jugements, car il avait le manuscrit du sage et du savant prêtre écrit tout entier de sa main. Il le possède encore. Il sera montré à qui voudra l’examiner. On y verra jusqu’aux ratures faites alors par ce laïque même, pour prévenir les interprétations malignes.

« Nous réimprimons donc aujourd’hui cet article dans toute l’intégrité de l’original. Nous en avons retranché, pour ne pas répéter ce que nous avons imprimé ailleurs : mais nous n’avons pas ajouté un seul mot.

« Le bon de toute cette affaire, c’est qu’un confrère de l’auteur respectable écrivit les choses du monde les plus ridicules contre cet article de son confrère, croyant écrire contre un ennemi commun. Cela ressemble à ces combats de nuit, dans lesquels on se bat contre ses camarades.

« Il est arrivé mille fois que des controversistes ont condamné des passages de saint Augustin, de saint Jérome, ne sachant pas qu’ils fussent de ces Pères. Ils anathématiseraient une partie du Nouveau Testament s’ils n’avaient point ouï dire de qui est ce livre. C’est ainsi qu’on juge trop souvent. »

Messie, Messias, ce terme vient de l’hébreu ; il est synonyme au mot grec Christ. L’un et l’autre sont des termes consacrés dans la religion, et qui ne se donnent plus aujourd’hui qu’à l’oint par excellence, ce souverain libérateur que l’ancien peuple juif attendait, après la venue duquel il soupire encore, et que les chrétiens trouvent dans la personne de Jésus, fils de Marie, qu’ils regardent comme l’oint du Seigneur, le Messie promis à l’humanité ; les Grecs emploient aussi le mot d’Eleimmenos[1], qui signifie la même chose que Christos.

Nous voyons dans l’Ancien Testament que le mot de Messie, loin d’être particulier au libérateur après la venue duquel le

  1. C’est par fautes d’impression qu’au lieu de Eleimmenos, on lit Eleimmeros dans l’Encyclopédie, dans toutes les éditions des Questions sur l’Encyclopédie, dans les éditions de Kehl, etc. Il arrive fréquemment à l’impression de prendre un e pour un c, et un r pour un n. (B.)