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MESSIE.

pas au Messie : ils prétendent que le nom de Dieu, Éloï, n’est pas particulier à la Divinité, et qu’il se donne même par les auteurs sacrés aux juges, aux magistrats, en général à ceux qui sont élevés en autorité ; ils citent en effet un très-grand nombre de passages des saintes Écritures, qui justifient cette observation, mais qui ne donnent aucune atteinte aux termes exprès des anciens oracles qui regardent le Messie.

Enfin ils prétendent que si le Sauveur, et après lui les évangélistes, les apôtres et les premiers chrétiens, appellent Jésus le Fils de Dieu, ce terme auguste ne signifiait, dans les temps évangéliques, autre chose que l’opposé de fils de Bélial, c’est-à-dire homme de bien, serviteur de Dieu, par opposition à un méchant, un homme qui ne craint point Dieu.

Si les Juifs ont contesté à Jésus-Christ la qualité de Messie et sa divinité, ils n’ont rien négligé aussi pour le rendre méprisable, pour jeter sur sa naissance, sa vie et sa mort, tout le ridicule et tout l’opprobre qu’a pu imaginer leur criminel acharnement.

De tous les ouvrages qu’a produits l’aveuglement des Juifs, il n’en est point de plus odieux et de plus extravagant que le livre ancien intitulé Sepher Toldos Jeschut, tiré de la poussière par M. Vagenseil dans le second tome de son ouvrage intitulé Tela ignea Satanæ, etc.

C’est dans ce Sepher Toldos Jeschut qu’on lit une histoire monstrueuse de la vie de notre Sauveur, forgée avec toute la passion et la mauvaise foi possibles. Ainsi, par exemple, ils ont osé écrire qu’un nommé Panther ou Pandera, habitant de Bethléem, était devenu amoureux d’une jeune femme mariée à Jokanan. Il eut de ce commerce impur un fils qui fut nommé Jesua ou Jesu. Le père de cet enfant fut obligé de s’enfuir, et se retira à Babylone. Quant au jeune Jesu, on l’envoya aux écoles ; mais, ajoute l’auteur, il eut l’insolence de lever la tête et de se découvrir devant les sacrificateurs, au lieu de paraître devant eux la tête baissée et le visage couvert, comme c’était la coutume : hardiesse qui fut vivement tancée ; ce qui donna lieu d’examiner sa naissance, qui fut trouvée impure, et l’exposa bientôt à l’ignominie.

Ce détestable livre Sepher Toldos Jeschut était connu dès le iie siècle ; Celse le cite avec confiance, et Origène le réfute au chapitre neuvième.

Il y a un autre livre intitulé aussi Toldos Jeschut, publié l’an 1705 par M. Huldric, qui suit de plus près l’Évangile de l’enfance, mais qui commet à tout moment les anachronismes les plus grossiers ; il fait naître et mourir Jésus-Christ sous le règne