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MIRACLES.
SECTION IV[1].
de ceux qui ont eu la témérité impie de nier absolument la réalité des miracles
de jésus-christ.


Parmi les modernes, Thomas Woolston, docteur de Cambridge, fut le premier, ce me semble, qui osa n’admettre dans les Évangiles qu’un sens typique, allégorique, entièrement spirituel, et qui soutint effrontément qu’aucun des miracles de Jésus n’avait été réellement opéré. Il écrivit sans méthode, sans art, d’un style confus et grossier, mais non pas sans vigueur. Ses six discours contre les miracles de Jésus-Christ se vendaient publiquement à Londres dans sa propre maison. Il en fit en deux ans, depuis 1727 jusqu’à 1729, trois éditions de vingt mille exemplaires chacune ; et il est difficile aujourd’hui d’en trouver chez les libraires.

Jamais chrétien n’attaqua plus hardiment le christianisme. Peu d’écrivains respectèrent moins le public, et aucun prêtre ne se déclara plus ouvertement l’ennemi des prêtres. Il osait même autoriser cette haine de celle de Jésus-Christ envers les pharisiens et les scribes ; et il disait qu’il n’en serait pas comme lui la victime, parce qu’il était venu dans un temps plus éclairé.

Il voulut, à la vérité, justifier sa hardiesse, en se sauvant par le sens mystique ; mais il emploie des expressions si méprisantes et si injurieuses que toute oreille chrétienne en est offensée.

Si on l’en croit[2], le diable envoyé par Jésus-Christ dans le corps de deux mille cochons est un vol fait au propriétaire de ces animaux. Si on en disait autant de Mahomet, on le prendrait pour un méchant sorcier, a wizard, un esclave juré du diable, a sworn slave to the devil. Et si le maître des cochons, et les marchands qui vendaient dans la première enceinte du temple des bêtes pour les sacrifices[3], et que Jésus chassa à coups de fouet, vinrent demander justice quand il fut arrêté, il est évident qu’il dut être condamné, puisqu’il n’y a point de jurés en Angleterre qui ne l’eussent déclaré coupable.

Il dit la bonne aventure à la Samaritaine comme un franc bohémien[4] : cela seul suffisait pour le faire chasser, comme Tibère en usait alors avec les devins. Je m’étonne, dit-il, que les bohémiens d’aujourd’hui, les gipsies, ne se disent pas les vrais disciples de Jésus, puisqu’ils font le même métier. Mais je suis fort

  1. Voyez la note, page 82.
  2. Tome I, page 38. (Note de Voltaire.)
  3. Page 39. (Note de Voltaire.)
  4. Page 52. (Id.)