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MIRACLES.

affaire à toi ? Il paraît par ces paroles que Marie n’était point vierge, et que Jésus n’était point son fils ; autrement, Jésus n’eût point insulté son père et sa mère, et violé un des plus sacrés commandements de la loi. Cependant il fait ce que sa mère lui demande, il ermplit dix-huit cruches d’eau, et en fait du punch. Ce sont les propres paroles de Thomas Woolston. Elles saisissent d’indignation toute âme chrétienne.

C’est à regret, c’est en tremblant que je rapporte ces passages ; mais il y a eu soixante mille exemplaires de ce livre, portant tous le nom de l’auteur, et tous vendus publiquement chez lui. On ne peut pas dire que je le calomnie.

C’est aux morts ressuscités par Jésus-Christ qu’il en veut principalement. Il affirme qu’un mort ressuscité eût été l’objet de l’attention et de l’étonnement de l’univers ; que toute la magistrature juive, que surtout Pilate, en auraient fait les procès-verbaux les plus authentiques ; que Tibère ordonnait à tous les proconsuls, préteurs, présidents des provinces, de l’informer exactement de tout ; qu’on aurait interrogé Lazare qui avait été mort quatre jours entiers, qu’on aurait voulu savoir ce qu’était devenue son âme pendant ce temps-là.

Avec quelle curiosité avide Tibère et tout le sénat de Rome ne l’eussent-ils pas interrogé ; et non-seulement lui, mais la fille de Jaïr et ie fils de Naïm ? Trois morts rendus à la vie auraient été trois témoignages de la divinité de Jésus, qui auraient rendu en un moment le monde entier chrétien. Mais, au contraire, tout l’univers ignore pendant plus de deux siècles ces preuves éclatantes. Ce n’est qu’au bout de cent ans que quelques hommes obscurs se montrent les uns aux autres dans le plus grand secret les écrits qui contiennent ces miracles. Quatre-vingt-neuf empereurs, en comptant ceux à qui on ne donna que le nom de tyrans, n’entendent jamais parler de ces résurrections qui devaient tenir toute la nature dans la surprise. Ni l’historien juif Flavius Josèphe, ni le savant Philon, ni aucun historien grec ou romain ne fait mention de ces prodiges. Enfin Woolston a l’impudence de dire que l’histoire de Lazare est si pleine d’absurdités que saint Jean radotait quand il l’écrivit : « Is so brimful of absurdities, that saint John when he wrote it, had liv’d beyond his senses. » (Page 38, tome II.)

Supposons, dit Woolston[1], que Dieu envoyât aujourd’hui un ambassadeur à Londres pour convertir le clergé mercenaire, et

  1. Tome II. page 47. (Note de Voltaire.)