AVERTISSEMENT
DES ÉDITEURS DE L’ÉDITION DE KEHL.
Après la paix de 1748, les esprits parurent se porter, en France, vers l’agriculture et l’économie politique, et on publia beaucoup d’ouvrages sur ces deux objets. M. de Voltaire vit avec peine que, sur des matières qui touchaient de si près au bonheur des hommes, l’esprit de système vint se mêler aux observations et aux discussions utiles. C’est dans un moment d’humeur contre ces systèmes qu’il s’amusa à faire ce roman. On venait de proposer des moyens de s’enrichir par l’agriculture, dont les uns demandaient des avances supérieures aux moyens des cultivateurs les plus riches, tandis que les autres offraient des profits chimériques. On avait employé dans un grand nombre d’ouvrages des expressions bizarres, comme celle de despotisme légal[1], pour exprimer le gouvernement d’un souverain absolu qui conformerait toutes ses volontés aux principes démontrés de l’économie politique ; comme celle qui faisait la puissance législative copropriétaire de toutes les possessions[2], pour dire que chaque homme, étant intéressé aux lois qui lui assurent la libre jouissance de sa propriété, devait payer proportionnellement sur son revenu pour les dépenses que nécessite le maintien de ces lois et de la sûreté publique.
Ces expressions nuisirent à des vérités d’ailleurs utiles. Ceux qui ont dit les premiers que les principes de l’administration des États étaient dictés par la raison et par la nature ; qu’ils devaient être les mêmes dans les monarchies et dans les républiques ; que c’était du rétablissement de ces principes