Je vous ai déjà dit que, pour être plus à votre aise et plus heureux que vous n’êtes, il faut que vous preniez une femme ; mais j’ajouterai qu’elle doit avoir comme vous cent vingt livres de rente, c’est-à-dire quatre arpents à dix écus l’arpent. Les anciens Romains n’en avaient chacun que trois. Si vos enfants sont industrieux, ils pourront en gagner chacun autant en travaillant pour les autres.
Ainsi ils ne pourront avoir de l’argent sans que d’autres en perdent.
C’est la loi de toutes les nations ; on ne respire qu’à ce prix.
Et il faudra que ma femme et moi nous donnions chacun la moitié de notre récolte à la puissance législatrice et exécutrice, et que les nouveaux ministres d’État nous enlèvent la moitié du prix de nos sueurs et de la substance de nos pauvres enfants avant qu’ils puissent gagner leur vie ! Dites-moi, je vous prie, combien nos nouveaux ministres font entrer d’argent de droit divin dans les coffres du roi.
Vous payez vingt écus pour quatre arpents qui vous en rapportent quarante. L’homme riche qui possède quatre cents arpents payera deux mille écus par ce nouveau tarif, et les quatre-vingt millions d’arpents rendront au roi douze cents millions de livres par année, ou quatre cents millions d’écus.
Cela me paraît impraticable et impossible.
Vous avez très-grande raison, et cette impossibilité est une démonstration géométrique qu’il y a un vice fondamental de raisonnement dans nos nouveaux ministres.
N’y a-t-il pas aussi une prodigieuse injustice démontrée à me prendre la moitié de mon blé, de mon chanvre, de la laine de mes moutons, etc., et de n’exiger aucun secours de ceux qui auront gagné dix ou vingt, ou trente mille livres de rente avec mon chanvre, dont ils ont tissu de la toile ; avec ma laine, dont ils ont fabriqué des draps ; avec mon blé, qu’ils auront vendu plus cher qu’ils ne l’ont acheté ?