Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ressouvint alors qu’il avait bu la veille une grande quantité d’eau-de-vie qui avait assoupi ses sens et échauffé son imagination.

Il avait jusque-là aimé cette liqueur par goût : il commença à l’aimer par reconnaissance, et il retourna avec gaieté à son travail, bien résolu d’en employer le salaire à acheter les moyens de retrouver[1] sa chère Mélinade. Un autre se serait désolé d’être un vilain borgne, après avoir eu deux beaux yeux ; d’éprouver les refus[2] des balayeuses du palais, après avoir joui des faveurs d’une princesse plus belle que les maîtresses du calife, et d’être au service de tous les bourgeois de Bagdad, après avoir régné sur tous les génies ; mais Mesrour n’avait point l’œil qui voit le mauvais côté des choses[3].

FIN DU CROCHETEUR BORGNE.
  1. « Revoir. » 1774.
  2. « Les rebuts des poissardes, après avoir été regardé favorablement par une grande princesse, et d’être au service, etc. » 1774.
  3. L’édition de 1774 est terminée par cette phrase : « Combien de gens seraient heureux, s’ils oubliaient aussi facilement les songes agréables que la fortune leur a fait faire ! »