ces six otages, qu’il combla de présents et d’honneurs. Je suis las de toutes les fadaises dont tant d’historiens prétendus ont farci leurs chroniques, et de toutes les batailles qu’ils ont si mal décrites. J’aime autant croire que Gédéon remporta une victoire signalée avec trois cents cruches. Je ne lis plus, Dieu merci, que l’histoire naturelle, pourvu qu’un Burnet, et un Whiston, et un Woodward, ne m’ennuient plus de leurs maudits systèmes ; qu’un Maillet ne me dise plus que la mer d’Irlande a produit le mont Caucase, et que notre globe est de verre ; pourvu qu’on ne me donne pas de petits joncs aquatiques pour des animaux voraces, et le corail pour des insectes[1] ; pourvu que des charlatans ne me donnent pas insolemment leurs rêveries pour des vérités. Je fais plus de cas d’un bon régime qui entretient mes humeurs en équilibre, et qui me procure une digestion louable et un sommeil plein. Buvez chaud quand il gèle, buvez frais dans la canicule ; rien de trop ni de trop peu en tout genre ; digérez, dormez, ayez du plaisir ; et moquez-vous du reste. »
CHAPITRE VIII.
Comme M. Sidrac proférait ces sages paroles, on vint avertir M. Goudman que l’intendant du feu comte de Chesterfield était à la porte dans son carrosse, et demandait à lui parler pour une affaire très-pressante. Goudman court pour recevoir les ordres de M. l’intendant, qui, l’ayant prié de monter, lui dit :
« Monsieur, vous savez sans doute ce qui arriva à M. et à Mme Sidrac la première nuit de leurs noces ?
— Oui, monsieur ; il me contait tout à l’heure cette petite aventure.
— Eh bien ! il en est arrivé tout autant à la belle mademoiselle Fidler et à monsieur le curé, son mari. Le lendemain ils se sont battus ; le surlendemain ils se sont séparés, et on a ôté à monsieur le curé son bénéfice. J’aime la Fidler, je sais qu’elle vous aime ; elle ne me hait pas. Je suis au-dessus de la petite disgrâce qui est cause de son divorce ; je suis amoureux et intrépide. Cédez-moi miss Fidler, et je vous fais avoir la cure, qui vaut cent cinquante guinées de revenu. Je ne vous donne que dix minutes pour y rêver.
- ↑ Voyez les notes des Singularités de la nature, chapitres ii et xx ; dans les Mélanges, année 1768.