peut avoir rien de piquant. En effet, le spectateur ne souhaite point que le Misanthrope épouse la coquette Célimène, et ne s’inquiète pas beaucoup s’il se détachera d’elle. Enfin, on prendrait la liberté de dire que le Misanthrope est une satire plus sage et plus fine que celles d’Horace et de Boileau, et pour le moins aussi bien écrite ; mais qu’il y a des comédies plus intéressantes, et que le Tartuffe, par exemple, réunit les beautés du style du Misanthrope avec un intérêt plus marqué.
On sait que les ennemis de Molière voulurent persuader au duc de Montausier, fameux par sa vertu sauvage, que c’était lui que Molière jouait dans le Misanthrope. Le duc de Montausier alla voir la pièce, et dit, en sortant, qu’il aurait bien voulu ressembler au Misanthrope de Molière.
le 9 août[1] 1666.
Molière ayant suspendu son chef-d’œuvre du Misanthrope, le rendit quelque temps après au public, accompagné du Médecin malgré lui[2], farce très-gaie et très-bouffonne, et dont le peuple grossier avait besoin : à peu près comme à l’Opéra, après une musique noble et savante, on entend avec plaisir ces petits airs qui ont par eux-mêmes peu de mérite, mais que tout le monde retient aisément. Ces gentillesses frivoles servent à faire goûter les beautés sérieuses.
Le Médecin malgré lui soutint le Misanthrope : c’est peut-être à la honte de la nature humaine ; mais c’est ainsi qu’elle est faite : on va plus à la comédie pour rire que pour être instruit. Le Misanthrope était l’ouvrage d’un sage qui écrivait pour les hommes éclairés, et il fallut que le sage se déguisât en farceur pour plaire à la multitude.
au Ballet des Muses, en décembre[3] 1666.
Molière n’a jamais fait que deux actes de cette comédie ; le roi se contenta de ces deux actes dans la fête du Ballet des Muses[4]. Le