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SOMMAIRES DES PIÈCES DE MOLIÈRE.

Femme juge et partie, la Critique du Tartuffe[1]. Voici ce qu’on trouve dans le prologue de cette critique :

Molière plaît assez : c’est un bouffon plaisant,
Qui divertit le monde en le contrefaisant ;
Ses grimaces souvent causent quelques surprises.
Toutes ses pièces sont d’agréables sottises :
Il est mauvais poëte et bon comédien ;
Il fait rire, et, de vrai, c’est tout ce qu’il fait bien.

On imprima contre lui vingt libelles. Un curé de Paris s’avilit jusqu’à composer une de ces brochures, dans laquelle il débutait par dire qu’il fallait brûler Molière. Voilà comme ce grand homme fut traité de son vivant : l’approbation du public éclairé lui donnait une gloire qui le vengeait assez ; mais qu’il est humiliant pour une nation, et triste pour les hommes de génie, que le petit nombre leur rende justice, tandis que le grand nombre les néglige ou les persécute[2] !


MONSIEUR DE POURCEAUGNAC,


Comédie-ballet en prose et en trois actes, faite et jouée à Chambord, pour le roi,
au mois de septembre[3] 1669, et représentée sur le théâtre du Palais-Royal le
15 novembre de la même année.


Ce fut à la représentation de cette comédie que la troupe de Molière prit pour la première fois le titre de la troupe du roi[4]. Pourceaugnac est une farce ; mais il y a dans toutes les farces de Molière des scènes dignes de la haute comédie. Un homme supérieur, quand il badine, ne peut s’empêcher de badiner avec esprit. Lulli, qui n’avait point encore le privilége de l’Opéra, fit la musique du ballet de Pourceaugnac ; il y dansa, il y chanta, il

  1. Auger, qui dit qu’en général, dans tous ces petits détails d’histoire littéraire, Voltaire est d’une grande inexactitude, lui reproche de qualifier de Prologue de la Critique du Tartuffe une simple épître en vers adressée à l’auteur de cette Critique. Au reste il est fort douteux, dit encore Auger, que cette prétendue comédie (la Critique du Tartuffe), qui n’est qu’une parodie, non moins indécente qu’insipide, de quelques scènes de la pièce de Molière, ait paru sur le théâtre. (B.)
  2. Cette dernière phrase, à partir de « mais qu’il est humiliant », ne se trouve que dans l’édition de 1764.
  3. Le 6 octobre.
  4. C’est bien avant cela que la troupe de Molière changea le titre de troupe de Monsieur pour celui de troupe du roi, au Palais-Royal. Lagrange consigne le fait sur son registre à la date du 14 août 1665.